n tant qu'habitués de l'Internet, nous avons tous subi ou au moins entendu parler de ces messages non-sollicités, qui sont déposés dans nos boîtes aux électroniques et appelés spams. Nos amis Américains semblent particulièrement préoccupés par le sujet. Certains états auraient même voté des législations pour contrer le phénomène. Et surtout, il y a ces sites Internet et logiciels anti-spam, qui agissent de manière plus ou moins agressives contre le spam et les spammeurs.
En Europe, des juristes internautes s'intéressent à la question, mais ne semblent toujours pas d'accord sur la définition du spam, sur l'application des lois existantes ou la création de nouvelles règles inspirées de la " netiquette ", ni sur les sanctions à faire subir aux éventuels fautifs. Car la question du spam nous amène toujours à nous demander : qu'est-ce que l'Internet ? Un espace de totale liberté où l'individu est roi ? Un environnement idéal, qu'il faut protéger contre une trop forte ingérence des gouvernements, mais tout en assurant un stricte contrôle sur le commerce et les commerçants ?
Jusqu'à quel point et surtout, de quelle manière les entreprises peuvent-elles considérer les internautes comme des clients potentiels ?
Et si les internautes ne pouvaient pas se défendre eux-mêmes contre les vilains capitalistes sans foi ni loi, qui devrait le faire ? comment ? au nom de quoi ?
Nous en revenons ainsi à la question de base, qu'est-ce quel est donc ce spam qui nous fait nous poser tant de questions ?
SPAM : on affirme parfois qu'il s'agit du thème d'un célèbre sketch des humoristes britanniques Monthy Python. Mais à l'origine, il s'agit d'une marque de viande de porc en conserve, fabriquée depuis plus de cent ans, par la société Hormel Foods, qui a deux sites web, dont un qui est dédié à son Spam®, ainsi qu'à une boutique de produits dérivés.
Apparemment, certains gourmets n'auraient pas apprécié ces produits et décidé d'utiliser le nom de cette conserve pour désigner les messages non-sollicités à caractère commercial, qu'il s'agisse de courriels ou d'annonces sur les groupes de discussion de l'Internet.
Certains considèrent que les spams sont nécessairement des messages non-sollicités transmis à des particuliers, mais aussi, qu'il sont racoleurs et probablement malhonnêtes. Les plus caractéristiques étant les innombrables messages , surtout par et pour les Américains, du type : " enrichissez-vous ; faites-moi parvenir dix dollars dans une enveloppe ", " la vente pyramidale, le plus court chemin pour devenir millionnaire ", " si tu me veux tout à toi, viens me voir sur fais-moi-mal.com et n'oublie pas ta carte bancaire ".
On raconte que ces messages envahissent le web américain, qu'ils ne coûtent pratiquement rien pour l'expéditeur, mais chers aux destinataires, en temps de connexion et en volumes de transferts de données. Il serait difficile de calculer le volume et coût réel global de ces messages, mais il est certain que, comme tout dans ce pays, les moyens utilisés par les spammeurs sont très grands. Il est donc fort probable qu'une réaction anti-spam était souhaitable. Mais laquelle ?
Parmi les réactions modérées, il y a celles des professionnels : fournisseurs d'accès Internet et des des éditeurs de logiciels. Les premiers ont su paramétrer leurs serveurs pour qu'ils refusent d'accepter les actions de publipostage en grand volume. Tandis que les éditeurs ajoutent des filtres à leurs logiciels de courrier électronique, qui savent à présent bloquer tel ou tel expéditeur ou refuser des messages contenant les caractères $ ou les mots " money " ou " sex ", par exemple .
Le ton monte quelque peu chez certains internautes, qui ont décidé de réagir à la présence du spam à leur manière. Il s'agit souvent de particuliers ou de petits groupes qui, poussés par leur idéal de l'Internet, affirment défendre la liberté individuelle en s'attaquant à tous les expéditeurs de messages à connotation mercantile. Malheureusement pour nous tous, s'étant auto-proclammés à la fois policiers et juges de l'Internet, ces irréductibles n'hésitent pas à utiliser tous les moyens, même illégaux, dans la poursuite de leur croisade : listes noires de dénonciation, attaques massives de serveurs au " ping " (signal de requête à répétition qui bloque le serveur où est hébergé le site inculpé), transmission de listes de messages virulents, voire menaçants (spam ?), quand il ne s'agit pas de virus informatiques ou de hacking (pénétrer la sécurité d'un serveur). Il y a même des sites anti-spam où l'on préconise les séries de coup de téléphone au domicile du chef de l'entreprise jugée coupable de spam.
Harcèlement ? Diffamation ? Destruction de propriété privée ? Tout çà au nom du sacro-saint Graal de la Netiquette.
Les groupes anti-spammeurs, même les plus intégristes, existent librement dans nos sociétés de droit. L'Internet leur donne en plus un pouvoir qu'ils n'auraient jamais pu avoir ailleurs : la capacité de s'exprimer, faire des adeptes, nuire et tout çà à très peu de frais. Autrefois, on se contentait d'écrire une ou deux lettres ou faire signer une pétition. Aujourd'hui on essaie d'éliminer soi-même ce qui déplait ou va à l'encontre de ses croyances.
Alors, comment résoudre le problème et qui doit le faire ?
Les Etats sans doute, même on peut craindre à juste titre une trop grande bureaucratisation de l'Internet et surtout, d'interminables discussions afin d'arriver à un code de fonctionnement viable pour l'Internet. On est encore loin du compte.
Ce qui est certain, c'est que l'Internet est déjà un sujet de convoitise pour les grands investisseurs de la planète. Microsoft, Sun, IBM, AOL et les autres planifient depuis un moment ce que sera l'Internet de demain (et sur l'Internet, demain, c'est très vite arrivé). Dans l'esprit de ces grands, il y aura nécessairement beaucoup de e-business et de e-commerce sur le Net. Et on y trouvera nécessairement les moyens de connaître les goût des internautes et de prospecter ces derniers par groupes ciblés. A en juger par les records de croissance du e-business ces derniers temps, il faut croire que la vaste majorité des internautes actuels n'est pas contre cette évolution. Au contraire.
Et l'idéal de l'Internet dans tout çà ? A l'origine, les pères de l'Internet avaient prévus des points com pour l'entreprise, des points net pour les professionnels du Net et des points org pour les associations. On a sans doute oublié les points ind ou nom pour les particuliers. Quoi qu'il en soit, la plupart des particuliers, y compris les anti-spammeurs utilisent aujourd'hui le point com du commerce et de l'entreprise. Ce qui ne facilite pas l'identification des particuliers qui ne veulent pas être prospectés. Il y a bien sûr les "pierre@no-spam-dupont.com ", mais il faut vraiment être un pur et dur pour avoir une adresse pareille. En France, le Nic a mis en place des noms de domaines qui identifient clairement la catégorie à laquelle appartient le propriétaire du nom de domaine. Mais l'impopularité des points fr par rapport aux points com, en dit long sur ce qu'en pensent les internautes.
N'en déplaise aux puristes, ce sera sans doute ce " comportement de l'Internaute " qui imposera sa loi. Pour l'instant, ces internautes semblent accepter la prospection commerciale dans leur boîte aux lettres électronique. Ce qu'ils ne veulent pas, c'est se faire rouler dans la farine. Les arnaques à la petite semaine n'iront jamais très loin avec eux. Les internautes sont par définition des consommateurs avertis. Et n'en déplaisent aux fervents anti-spammeurs, l'intégrisme leur fait peur et les méthodes agressives et hors la loi sont les moins appréciés de toutes.
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de règles sur Internet. Au contraire, la clarification des règles et la mise en place d'une autorité réelle qui en assure l'application, semble tout à fait nécessaire : pour contrer le e-business abusif, mais aussi les pratiques inacceptables et illégales de l'anti-spamming.
Pour l'instant, les entreprises qui savent faire peuvent tout à fait prospecter d'autres entreprises à partir des adresses affichées sur leurs sites, voire contacter des particuliers qui se sont volontairement inscrits sur les listes de prospection. Et oui, c'est çà aussi l'Internet. Le commerce fait partie de la vie de nos communautés humaines depuis le début des temps, ce n'est pas l'Internet qui va changer çà.
En attendant, c'est Monsieur Hormel qui est content : il n'avait pas vendu autant de conserves et de produits à la marque Spam® depuis des lustres.