ous entamons cette semaine une revue d'effectif du marketing personnalisé dans le contexte particulier du cyberespace. Le concept, si il est séduisant et de prime abord fonctionnel, peut-il réellement proposer une alternative valable au marketing de masse tel qu'on le pratique depuis une trentaine d'années ?
Savoir
considérer ses clients davantage comme des individus que comme des consommateurs,
voilà bien tout l'enjeu du marketing personnalisé (en Anglais "1 to
1 marketing"), l'une des théories commerciales les plus en vogue outre-Atlantique
depuis déjà quelques trimestres.
Mon boucher est docteur es
marketing
Pour bien expliciter ce concept qui peut
apparaître novateur pour certains, il est préférable de commencer par
un exemple. Le modèle parfait de ce nouveau type de "marketer" nous
est fourni par "le boucher du coin de la rue" chez lequel vous vous
rendez à intervalles réguliers.
Il vous connaît bien, n'ignore ni vos habitudes,
ni vos préférences et, en conséquence, sait souvent pourquoi vous entrez
dans sa boutique et quels produits vous venez y acheter. La relation
individuelle que vous entretenez avec lui est le fruit de plusieurs
mois ou de plusieurs années de fidélité commerciale.
D'ailleurs, à franchement parler, vous
ne revenez pas dans sa boutique pour la seule tendresse des entrecôtes
qu'il commercialise mais aussi et peut-être surtout parce que ce charmant
boucher vous appelle par votre prénom et qu'il sait d'avance que vous
n'aimez pas le pâté de foie mais que vous raffolez en revanche des paupiettes
de veau. D'ailleurs doué comme il est en marketing 1 to 1, je suis sûr
que votre boucher vous les met de côté, les paupiettes.
Ne cherchons pas plus loin. Toute l'idée
du marketing personnalisé est là. Privilégier les contacts avec ses
clients, engager le dialogue pour mieux les servir et les fidéliser,
déterminer leurs envies, anticiper leurs besoins et s'assurer en permanence
de leur satisfaction. En un mot, bien connaître ses clients.
Part de marché, part de consommateur
Ce concept du marketing de proximité -par
opposition au marketing de masse- part d'un postulat parfaitement plausible;
il est sans doute beaucoup plus difficile de chercher sans cesse des
clients nouveaux que d'entretenir des relations suivies avec ses clients
existant pour développer leur fidélité.
Ainsi, lorsque je reviens sur Amazon.com
après plusieurs mois de silence, je découvre invariablement sur la page
d'accueil un sympathique (en Anglais) "Bonjour Philippe, voici quelques
titres d'ouvrages récents sur les technologies de l'information qui
peuvent vous intéresser". Et naïvement je clique, qu'est-ce que
vous croyez ? Ca fait tellement plaisir d'être accueilli par son
petit nom et de se voir proposer d'entrée tout ce qu'on est venu chercher.
Quand bien même il s'agit d'une machine !
Ce que les agents intelligents et les logiciels
de personnalisation peuvent réussir avec une marge d'erreur infiniment
réduite, les webmestres de sites commerciaux sont sans doute en mesure
de le réaliser dans leur communication par email. Tout dépend en fait
de la qualité de leur base de données et de l'efficacité qu'ils démontrent
en la gérant au quotidien.
Alors comme nous y invitent Don Pepper
et Martha Rodgers, les gourous et théoriciens de cette relation nouvelle
entre marchands et consommateurs, peut-être le temps est-il venu pour
les sociétés de raisonner en part de consommateur plutôt qu'en part
de marché...
Une part de consommateur, c'est une période
pendant laquelle un client et un vendeur vont signer un pacte tacite.
Pour l'acheteur, c'est l'assurance d'être considéré avec la plus grande
attention et d'être toujours admirablement servi. Et pour le commerçant,
c'est la garantie que ce client lui restera fidèle et fera "tourner"
sa boutique.
Le marketing personnalisé
et le web ?
Toutes ces histoires de boucherie-charcuterie
et de paupiettes sont bien belles mais en quoi cela nous concerne t-il
vraiment ? L'Internet nous offre trois possibilités exceptionnelles
qui favorisent la mise en place d'un processus de marketing personnalisé.
Il constitue donc le premier médium apte à transporter ce concept de
proximité à une échelle globale.
- D'abord, l'e-mail permet de s'adresser
aux gens de façon individuelle et personnalisée, et qui plus est,
sans délais.
- Ensuite, le dialogue sur Internet peut
s'instituer immédiatement entre le marchand-marketer et le client-individu;
le client devient acteur d'une relation commerciale et non pas seulement
le destinataire de la vente.
- Enfin, le prix d'entrée pour la diffusion
d'informations sur Internet s'avère limité et à la portée de nombreuses
entreprises de taille modeste.
Associés, ces trois facteurs rendent le marketing
personnalisé possible sur le web. Potentiellement, la relation vendeur-client
peut gagner en qualité et l'échange commercial devenir plus profitable. Mais le
"1 to 1" est-il pour autant une solution commerciale d'avenir pour les cyber-entrepreneurs
qui se lancent aujourd'hui. Ca a l'air tellement beau sur le papier qu'il y a
forcément des effets pervers. Ce sera l'objet de la seconde partie de cet article.
Philippe Monteiro da Rocha
|