'Internet
mobile est à la mode avec l'i-mode au Japon mais fait un
flop avec le wap en Europe. Seul les SMS émergent. Fruit
d'une différence technologique, culturelle ou économique
?
En
mars 2001, NTT DoCoMo, père de l'i-mode au Japon, annonçait
vingt millions d'abonnés à son lancement le 22 février
1999. et une formidable gifle pour le wap (wireless application
protocol) européen qui atteindra au mieux les 10,5 millions
d'utilisateurs en Europe fin 2001. Les systèmes WAP au
Japon dépassent les 10 millions d'abonnés.
"
L'échec du wap n'est pas un échec technologique
" annonce Bruno Salgues, ingénieur d'études
au laboratoire CRITIC de l'Institut national des télécoms
(INT). Le wap serait même plus avancé que l'i-mode.
" Le wap a des fonctionnalités plus évoluées,
comme la sécurité des transactions absente de l'i-mode
avant l'accord entre NTT et Java. L'i-mode ne permet pas des services
de location aussi performants que ceux du wap. " constate
les experts. Mais complexe et cher, l'usage du wap a du mal à
prendre son élan.
Langage difficile, connexion lente,
coût élevé
La norme WAP (Wireless Acces Protocol) a débuté
sa vie commerciale il y a un an, les SMS (Short Message Services)
ont été lancés depuis plus de 5 ans. La France
est lanterne rouge de ce marché, le marché du SMS
a démarré en 99 avec l'interconnexion des réseaux
des trois opérateurs.
Les chiffres sont éloquents : la France reste très
en retard en Europe : par mois, on ne relève en moyenne
9 SMS en France, 33 en Allemagne, 70 au Danemark. Les français
génèrent deux fois moins de chiffre d'affaires que
les scandinaves et anglais. Dans tous les pays, il y a peu d'élasticité
prix au SMS. Ils sont prêts à payer 1 à 2
Francs pour cela, mais aussi 8 Francs pour des services évolués.
Au vue des expériences étrangères, le second
souffle de SMS est initié par le SMS a valeur ajoutée.
Pour accéder aux contenus web d'Internet, encore faut-il
les adapter au langage " mobile ". Or " si le passage
du HTML au cHTML (HTML condensé) de l'i-mode est facile,
le passage au WML (wap markup language) force à tout réécrire
" admet Bruno Salgues (INT). Un frein important pour la création
de sites wap
Autre inconvénient : le wap possède un système
de transmission de données plus coûteux, le GSM.
L'utilisateur doit se connecter à chaque utilisation, ce
qui ralentit la transaction (il faut entre 30 et 40 secondes pour
le faire). Et conduit à un paiement relatif à la
durée de la connexion. L'i-mode utilise, lui, une transmission
dite " en mode paquets ", qui permet un paiement en
fonction du volume de données chargées. Connectée
en permanence, l'utilisateur accède aux services i-mode
dès qu'il se trouve dans une zone couverte par le réseau.
Une convergence technologique possible
entre l'i-mode et wap
Quoiqu'il en soit, la convergence technologique approche. Le wap
et l'i-mode tendent à adopter un langage unique, qui se
rapproche du xHTML. Ils bénéficieront tous deux
à terme de débits plus importants (plusieurs dizaines
ou centaines de kilobits par seconde contre 9,6 kbits/s aujourd'hui)
grâce à de nouveaux systèmes de transmission
en mode paquets (GPRS, EDGE, UMTS, et WCDMA). L'i-mode ne pourra
donc plus compter sur ses avantages technologicomarketing pour
assurer sa suprématie.
Mais ces avantages seront-ils véritablement
décisifs ?
L'eldorado japonais du mobile
"
Le wap n'est pas un échec au Japon. Lorsque NTT DoCoMo
comptait 16 millions d'utilisateurs i-mode, 8 millions de japonais
étaient clients du wap " rappelle Bruno Salgues de
l'INT. Au-delà d'une différence wap/i-mode, le succès
de l'Internet mobile au Japon serait plutôt la conséquence
d'une culture et d'une situation de marché particulières.
Du côté des consommateurs, il y a un intérêt
plus marqué au Japon pour les gadgets technologiques, plus
de déplacements en transports en commun où la messagerie
texte se révèle plus discrète que la fonction
vocale. L'accès à Internet par les lignes fixes
est aussi moins répandu et coûte cher. Enfin, les
idéogrammes facilitent la navigation. Ces points ne sont
pas déterminants pour expliquer l'échec des approches
européennes.
Du côté des opérateurs, NTT DoCoMo est, au
Japon, en situation de quasi-monopole. NTT a pu exiger des équipementiers
la mise au point d'écrans plus larges de terminaux compatibles.
Tandis que le wap a connu un démarrage difficile justement
à cause du manque de terminaux compatibles. De quoi favoriser
l'i-mode sur le marché japonais. Mais cela n'explique pas
tout.
I-mode : un marketing gagnant
C'est en terme de business model que l'on peut parler du succès
de l'i-mode, estime des experts. Une meilleure ergonomie du téléphone
mobile avec des écrans plus grands et en couleur, davantage
de services i-mode, proches de la réalité des consommateurs,
Rien n'a été laissé au hasard.
En Europe, l'offre des portails wap a déçu d'autant
plus qu'il a été survendu. Le terme d'Internet mobile
est une erreur stratégique fatale. On a des écrans
monochromatiques et une vitesse de connexion lente pour des services
quasi inexistants. Les gens, eux, s'attendaient à surfer
sur le web avec leur mobile comme avec leur PC ! Heureusement
le wap est dans le vent, même si ça ne fonctionne
pas. C'est l'effet spiral de la technologie. Et les opérateurs
européens soutiennent le wap.
Mais avec l'arrivée de l'i-mode en Europe, qui du wap ou
de l'i-mode, s'imposera ? Il est encore tôt pour le dire.
Aujourd'hui, nombreux considèrent le wap et l'i-mode comme
de simples technologies transitoires avant le mobile de troisième
génération. Et attendent qu'il en soit fait bon
usage par les fournisseurs de contenus
La France dans l'échec
Si les déterminants économiques du wap ne sont pas
clairs, les SMS sont clairement liés à l'age.
Des enquêtes ont été réalisées
par le laboratoire CRITIC et des organismes comme l'IFOP. Les
utilisateurs de SMS sont corrélés à l'age.
Actuellement, ce n'est pas le cas du WAP.
Utilisateurs
du SMS en %
|
Tranche
d'âge
|
Utilisateurs
du WAP en %
|
13
|
Plus
de 60 ans
|
0.8
|
22
|
50
à 60 ans
|
0.8
|
31
|
40
à 50 ans
|
3.6
|
49
|
30
à 40 ans
|
3.5
|
73
|
20
à 30 ans
|
1.3
|
84
|
15
à 20 ans
|
5.6
|
Source : enquête Kewee, IFOP
Les internautes sont les plus réceptifs au SMS et rejettent
plus le WAP. Dans les enquêtes, on note qu'il y a un rejet
massif des internautes du Wap. Plus de 56% ont essayé le
wap se déclarent déçus. Trois points semblent
clés : la génération Internet n'accroche
pas, constate-t-on. Un écran 4cm x 3cm ne permet pas de
surfer. En plus, le rejet du wap ne s'explique pas par les prix.
On assiste sur la base des clients Kewee a une très forte
consommation de SMS, le prix n'est pas la décision importante.
Raison
d'usage du SMS |
%
des répondants citant cette raison |
Parce
que le correspondant ne peut pas parler |
81
|
Pour
donner une info stockée |
77
|
Pour
dire des choses intimes qui passe mieux qu'au téléphone |
74
|
Pour
ne pas déranger les correspondants |
71
|
Pour
limiter ma facture en fin de mois |
64
|
Source : enquête Kewee
L'i-mode joue au Risk ou comment
la vague i-mode déferle sur l'Europe
Que font les vingt millions d'abonnés, et seulement cent
autres millions à conquérir sur le territoire nippon,
et plus de 500 millions en Europe. NTT DoCoMo veut élargir
les frontières de l'i-mode. L'entreprise japonaise ouvre
des bureaux en France, au Brésil, crée des alliances
avec des sociétés comme l'américaine AT&T
Wireless
En Europe, l'offensive prend corps avec la signature,
le 18 janvier dernier, d'un contrat de joint venture. NTT s'est
rapproché de l'opérateur néerlandais KPN
et de son homologue italien Tim, tous deux détenteurs de
licence UMTS. Leur but : offrir l'i-mode en Belgique, Allemagne,
Italie et Pays-Bas avant la fin de l'année 2001.
Les affiliations de Tim et KPN permettront d'étendre ensuite
l'offre i-mode au reste de l'Europe. Tim profite du système
de l'i-mode et des alliances de NTT avec Sony (pour la Playstation
sans fil) et Sega. NTT bénéficie en échange
du plus grand réseau mondial avec des cartes prépayées,
et un système de facturation en temps réel. Située
au troisième rang européen pour le taux de mobiles*,
l'Italie reste en retard pour l'usage d'Internet sur ordinateur.
Une situation que la Tim juge favorable au succès de l'i-mode,
mais qui est loin d'être présente partout en Europe.
Pour séduire les européens, l'i-mode devra donc
adapter son " business model " aux situations locales,
notamment pour le contenu des services. L'idée vendeuse
de Tim : l'image animée du but d'un avant-centre italien
chargé en 6 secondes, dur le réseau GPRS !
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Bruno
Salgues
Enseignant Chercheur Laboratoire CRITIC,
INT
9 rue Charles Fourier
91000 EVRY
site
web : www.salgues.net
bruno.salgues@int-evry.fr
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