Le chemin qui relie un site Web à son public potentiel est pavé d'intermédiaires,
d'outils, de prestataires, de services, de méthodes. En ce qui nous
concerne, nous avons choisi de résumer cet ensemble d'éléments sous
le terme visibilité. On y trouvera les moteurs et annuaires, les prestataires
qui assurent et améliorent le référencement, la communication, le webmarketing,
la presse ... Et dans cette galaxie complexe, un point attire tout
particulièrement notre attention, parce qu'il est à la fois essentiel
et en pleine évolution, il s'agit du référencement.
Deux missions contradictoires
Jusqu'à quelques mois, on pouvait facilement classer le marché du référencement
en deux parties bien délimitées :
1 les moteurs et annuaires
Leur mission est de fournir l'information la plus pertinente possible
aux utilisateurs. Pour simplifier, cette mission est effectuée soit
sur la base d'algorithmes et de robots les plus efficaces possibles
(moteurs), soit sur la base de classements en rubriques (taxinomies)
les plus claires et intuitives possible. Cette description est très
schématique, car il existe des hybrides, mais elle permet d'affirmer
que la qualité de ces outils dépend essentiellement de la qualité de
l'information qu'elle fournit à ceux qui l'utilisent.
2 Les acteurs du positionnement
Leur mission est de faire apparaître les sites Web qu'ils souhaitent
référencer dans les meilleures conditions dans les annuaires et moteurs
précités. La qualité de leur travail dépend de leur capacité à tirer
parti -et quelquefois à détourner- le fonctionnement des premiers.
Contrairement aux moteurs et annuaires dont la qualité sert tout d'abord
service aux utilisateurs dans leur ensemble puis aux sites Web qu'ils
référencent, ils ont pour principale mission de servir dans un premier
temps un intérêt particulier (celui d'un site qui se doit d'être bien
positionné), et dans un deuxième temps au public potentiel du site
en question.
En réalité, ces deux missions sont souvent contradictoires. Dans le
premier cas, le service est rendu à l'ensemble des utilisateurs de
l'Internet, et dans l'autre à un site en particulier. Cet état de fait
n'est cependant pas gênant, bien au contraire, car les experts du positionnement
constituent un formidable moteur de développement pour les outils de
recherche. Ainsi, de la même façon que dans le domaine de la sécurité
où l'amélioration des techniques d'intrusion font évoluer le domaine
de la sécurisation, les techniques utilisées dans le cadre du positionnement
génèrent des améliorations du côté des outils de recherche.
L'éthique du référencement
Un site de mauvaise qualité peut parfaitement faire appel à un prestataire
et lui demander d'améliorer son positionnement et sa visibilité dans
les outils de recherche. Et c'est là que peut se poser la question
éthique. Sans même parler des manœuvres illégales ou en désaccord avec
la nétiquette (spam, texte invisible, multi-soumissions, etc…), une
question doit se poser pour le référenceur sérieux. Si le budget qui
m'est attribué va servir à améliorer le positionnement d'un mauvais
site. Dois-je effectuer cette mission ? Bien entendu, Internet n'est
pas un monde enchanté où tout le monde est gentil et a les moyens de
se poser des questions éthiques. Il est suffisamment difficile de créer
des activités économiques rentables sur ce support pour cette question
ne se pose que dans un deuxième temps.
Ceci dit, la question éthique n'est pas anodine, et de nombreux prestataires
se la sont posée depuis longtemps. Il existe des chartes, et il est
essentiel que ces initiatives soient non seulement relayées, mais qu'elles
aient un impact économique favorable pour ceux qui choisissent de prendre
en compte cet aspect (1). Jusqu'à présent, il ne semble pas évident
que ceux qui ont choisi cette voie éthique aient réellement été récompensés
de leurs efforts.
Chacun son travail
Jusqu'ici, les camps me semblaient clairs et bien identifiés. D'un
côté, les moteurs et annuaires qui sur la base de critères de qualité
prenaient en compte certains sites et pas d'autres, de l'autre les
spécialistes du positionnement qui amélioraient la qualité de leurs
prestations par leur savoir-faire technique, et dans certains cas,
par leur position éthiquement correcte. Tout ceci a permis par un phénomène
d'émulation d'arriver à la situation actuelle, où la qualité des résultats
s'est souvent considérablement améliorée, et où les prestataires de
positionnement ont un comportement et des méthodes de plus en plus
professionnels. Certains positionneurs ont même tenu à formaliser et
à stabiliser leur activité en veillant à l'obtention de certifications
ISO 9000 (http://www.polepositioning.com).
Tout semble aller pour le mieux, puisque des deux côtés ; la qualité
s'améliore. Oui, mais entre temps, un nouveau phénomène est arrivé,
qui risque de remettre en cause cet équilibre instable…je pense bien
sur au référencement payant.
Le référencement payant : ennemi de l'e-qualité ?
L'arrivée du référencement payant a une implication directe sur la
qualité des résultats fournis par les annuaires qui vont la mettre
en place. En effet, la capacité à payer n'est que très partiellement
liée à l'aptitude à fournir des services en lignes de qualité. A l'extrême,
on peut imaginer un site déplorable payer pour se faire référencer
(je pense par exemple au site d'une société qui possède de gros moyens
grace à ses activités hors ligne, et qui maintient un site de très
mauvaise qualité, cela devient rare , mais il arrive encore d'en rencontrer).
Voilà qui est bien nouveau. Parmi les critères de qualité d'un site
Web à être référencé, il faudrait donc dorénavant mentionner la capacité
à payer un forfait déterminé ?
Pourquoi pas, mais dans ce cas, il faudrait que tous les sites inscrits
aient eu à payer le même forfait, et que le classement et la présentations
des résultats de recherche ne tiennent compte que de la qualité du
site (ou de l'ordre alphabétique), comme c'était le cas jusqu'à maintenant.
Dans ce cas, on peut admettre que référencement payant soit la rémunération
d'un service rendu. Mais combien de sites vont accepter de payer et
d'apparaître en dernière position sur la liste ? C'est une autre question,
et seule la politique adoptée par les outils de recherche permettra
d'y répondre (2).
Ma plus grosse crainte vient des outils qui proposeront des solutions
mixtes. En effet, que penser d'un outil de recherche qui propose des
résultats classés en fonction de l'aptitude à payer un forfait, et
dans un deuxième temps de la pertinence du site en lui-même ? En ce
qui me concerne, j'éviterai soigneusement ce genre d'outils, mais ce
ne sera peut-être pas le cas de tous les utilisateurs, dont beaucoup
ne se posent pas autant de questions.
Ethique et déontologie, toujours…
Nous allons voir comment va évoluer ce marché dans les mois à venir,
et soyez rassurés (ou ne le soyez pas, c'est selon le point de vue),
les réponses viendront très vite. De nombreux outils de recherche vont
sans doute payer de leur vie, déjà souvent fragile, ce passage progressif
au référencement payant, mais ce n'est pas l'essentiel.
J'ai déjà salué l'initiative de professionnels du positionnement qui
ont créé une charte pour certains, et je salue aussi l'obtention par
certaines sociétés des certifications ISO 9000 dans ce cadre où elles
sont non seulement difficiles à obtenir, mais tout à fait essentielles
pour l'avenir et la pérennité de ce métier.
Mais l'arrivée du référencement payant me permet d'appeler à la mise
en place de démarches équivalentes dans le domaine des outils de recherche.
A ma connaissance, il n'en existe pas, et c'est fort dommage. A quand
la charte des moteurs de recherche ? A quand la charte des annuaires
? A quand les outils de recherche sous ISO 9000 ?
Je veux bien être d'accord pour payer la prise en compte ou la mise
en évidence de mon site dans un moteur de recherche ou encore pour
payer mon inscription dans un annuaire (de toute façon, aurai-je le
choix ?), mais dans ce cas, j'exige de la part de ces outils qu'ils
adoptent une position déontologique et si possible une démarche qualité
formalisée, de manière à garantir la transparence et un fonctionnement
qui respecte du mieux possible la plus grande force du réseau Internet
: sa richesse.
Elie Sloïm
Octobre 2001
Elie Sloïm est le fondateur du site e-qualite.com,
ressource d'information sur la qualité
des sites Internet et services en ligne.
Notes :
(1) Consulter le site et la charte de l'IPEA
(Internet Positioning European Association)
(2) Ces deux articles parus sur 01Net résument assez clairement les
problèmes qui se posent actuellement :
http://www.01net.com/rdn?oid=160327&thm=UNDEFINED
La France passe à l'heure du référencement payant
http://www.01net.com/rdn?oid=160328&rub=2827&page=1-160327
Un métier condamné à évoluer
La lecture de cet article sera complétée par
:
[17.06.2002 18:43 - Elie Sloïm] | |