En internaute affamé d'informations pertinentes, vous avez sans
nul doute entendu parler de l'affaire Zap.com
aux Etats-Unis. Pour les moins bien renseignés, il s'agit d'un
groupe industriel de grande notoriété qui, au printemps
dernier, avait annoncé son intention de lancer une stratégie
virtuelle pour le moins novatrice.
Le rêve secret du webmestre
En effet, les dirigeants de Zap.com qui voulaient sans tarder damer
le pion à Yahoo, Lycos et Excite (les trois en même temps !) s'était
mis en tête de développer un énorme portail web en "rachetant"
(tout simplement) une vingtaine de sites populaires ou à fort contenu.
Et c'est ce qu'ils ont fait en juillet à grand coup de messages
racoleurs dans les médias traditionnels et sur le web; "Zap achète
votre site !" A la bonne heure...
L'histoire ne connaît pas malheureusement de prolongement heureux
puisque après trois mois d'activités seulement, la politique
virtuelle de Zap s'écroule aussi bien à la bourse qu'en
terme de trafic et d'ambition... Pas de précipitation, sur le web,
c'est la patiente et la tendance de la courbe qui importent.
En fait, à en juger par le courrier que nous recevons, il semblerait
que cette perspective d'échanger un jour ce qu'on développe
avec passion et enthousiasme aujourd'hui contre des espèces peut-être
moins passionnantes mais sonnantes et trébuchantes caresse les
rêves de plus d'un webmestre à son compte...
Et les audits spécialisés que nous avons développés
à cet usage ont tendance à rencontrer un succès grandissant.
De un par mois en moyenne en juin dernier, nous en étions à
sept pour le seul mois de septembre.
Deux cas de figure principaux pour ces expertises que nous menons; il
s'agit soit d'estimer la valeur d'un site faisant partie du capital d'une
société en liquidation, soit d'estimer le prix de vente
d'un site pour un client qui souhaite faire une offre de rachat ou vient
de la recevoir. C'est bien la preuve qu'en cet automne 98, le marché
montre enfin le bout de son nez !
Le marché du site d'occasion !
Et ce marché se développe pour plusieurs raisons ou en
fait, pour plusieurs types de clients. Qui peut en effet avoir un intérêt
quelconque à se payer un site ?
Il y a d'abord le cas de Zap, assez symptomatique d'une entreprise de
renom dont les responsables marketing, prenant subitement conscience qu'ils
accusent un retard en ligne pratiquement impossible à combler,
optent pour le rachat de site pur et simple, autant dire l'achat de trafic.
Cette catégorie, qu'on se rassure, sera particulièrement
en vogue sur le web francophone dans les deux ans qui viennent. Certains
mastodontes de l'industrie et du commerce ont en effet laissé se
creuser le "cyberfossé" qui les séparait de leurs concurrents
d'une manière inquiétante. Gageons qu'en voyant quelques
millions supplémentaires de leurs clients potentiels émigrer
en ligne, ils finiront par se dire: "bon sang mais c'est bien sûr
!"
Ils prendront alors leur calculette et conclueront qu'au prix d'entrée
sur le web, il vaut encore mieux miser sur du solide et du vécu
! Des sites établis.
Mais les principaux acteurs du marché sont déjà
là. Et ce sont eux qu'il faut d'abord chercher à séduire...
C'est assez logique lorsqu'on s'y intéresse de plus près.
Les entreprises virtuelles de forte notoriété souhaitent
bien évidemment profiter aussi largement que possible d'un marché
qu'elles ont appris à connaître et à exploiter. Elles
cherchent donc à investir dans les domaines où elles se savent
les plus fragiles.
Progresser... avec le marché
Pas étonnant qu'un fournisseur d'accès (disons par exemple
Infonie) manifeste le désir d'acheter
un site portail (par exemple Lokace).
Pas plus surprenant qu'une entreprise spécialisée dans l'hébergement
jette son dévolu sur un site à fort contenu. Pas curieux
enfin qu'un "moteur de recherche", un concept de site à caractère
essentiellement technique, souhaite s'offrir un news-magazine en ligne...
C'est une constante depuis qu'Internet est devenu commercial (et donc
concurrentiel), il faut progresser (en trafic, en contenu et en qualité)
en même temps que le nombre d'utilisateurs croît sur le réseau.
Stagner c'est perdre des parts de marché. Régresser, c'est
disparaître purement et simplement. Toutes les entreprises à
forte ambition "cyberspatiale" cherchent donc à évoluer,
soit en développant en interne de nouveaux types de services (France
Telecom s'y est employé avec pas mal de réussite cette année),
soit en rachetant des produits existants. Comprenez des sites déjà
en ligne.
Les plus connus ne sont d'ailleurs pas en reste, à commencer
par l'excellent et respectable ZDNet France dont le Rédacteur en chef, Bruno
Villacampa, nous confiait il y a quelques mois dans un entretien: "il
n'est pas impossible que nous pratiquions cet exercice (le rachat de sites
internet) dans un avenir pas très lointain."
Nous verrons, dans la seconde partie à
paraître la semaine prochaine, quels sont les critères
que favorisent généralement les "racheteurs" du web (en
France et aux Etats-Unis) et, c'est sans doute l'essentiel, combien peut
bien valoir un site internet...
Philippe Monteiro
da Rocha
[07.06.2002 13:51 - victor] |