La communication transversale…
ne se décrète pas. On ne force pas une organisation humaine
de façon directive et descendante à partager des informations, à coopérer,
à travailler en équipe. Les années 90 n’ont pas seulement annoncé l’ère
du ‘tout communication’. Elles ont également donné naissance à la coopétition,
cette pratique qui oblige des personnes d’objectifs différents (projets
concurrents, services concurrents, offres concurrentes, … à l’intérieur
d’une même entreprise) à travailler ensemble ou tout au moins à en donner
l’impression. Les Intranets sont donc souvent transformés en alibis de
communication (un espace collaboratif est créé et l’on croit que les employés,
les cadres, vont naturellement partager leurs ressources). Or, l’expérience
montre l’échec de ces partages d’information lorsqu’ils dépendent exclusivement
du bon vouloir des employés et notamment lorsqu’ils sont propres à faire
perdre du pouvoir à celui qui en donne. Pour une entreprise de conseil
par exemple, partager des propositions ayant réussi est un but absolu.
Pour le consultant, cela peut être perçu dans certains cas comme une perte
de pouvoir qui le rend plus vulnérable car ce partage va probablement
lui générer de la concurrence. L’Intranet a permis techniquement de partager
des informations plus librement, mais ce n’est pas suffisant pour répandre
l’altruisme.
Le partage de connaissances est en fait plus efficace
lorsque le « donneur » d’informations en est aussi le bénéficiaire
(c’est notamment ce que développe Seth Godin dans the Idea Virus ;
voir http://ygourven2.online.fr/webcom/ideavirus.pdf).
Le fait même de répandre de l’information (par exemple un rapport, ou
une information glanée sur le Net ou dans la presse) va valoriser le « partageur »
d’informations qui y trouvera autant son compte que le « receveur ».
C’est là le meilleur cas de « knowledge management » qui existe ;
le knowledge management (KM) est un terme impropre d’ailleurs, car on
gère ou dirige malaisément le savoir. Au mieux on le couve, on le canalise,
on le valorise ou on l’exploite. Cette pratique spontanée est paradoxalement
assez répandue dans les entreprises. Le Web (interne et externe) a clairement
facilité/accéléré ce phénomène et tout le monde y est gagnant. Mais il
est rare que cette information circule aussi bien dans le cadre de projets
de KM très structurés. Au contraire même, car l’information circule librement
à partir du moment où l’initiative personnelle s’installe.
La communication transversale ne se décrète donc pas,
elle s’impose par la base. C’est là l’apport principal de l’introduction
du Web dans les entreprises. Naturellement la plupart des managers traditionalistes
sont réticents face à l’explosion de la communication libre au sein de
l’entreprise – par exemple – d’Intranets sauvages. Seuls ceux qui comprennent
le phénomène le favorisent pour mieux en tirer les bénéfices, en valorisant
les intrapreneurs qui sont à l’origine de l’initiative au sein de l’entreprise.
Le Web (Internet) a par ailleurs donné à toute une frange
de la population …
de l’entreprise, la possibilité de s’imposer sur le terrain
de la communication. Or, les habituels défenseurs de l’image de l’entreprise
à l’extérieur (les services de la communication eux-mêmes) sont parfois
exclus des initiatives Web qui éclosent autour d’eux de façon – souvent
– anarchique même si elle est créative. Soit qu’ils maîtrisent mal les
principes de communication particuliers et mouvants du média Web, soit
qu’ils se sentent dépassés par le dynamisme des initiatives individuelles
dans tel ou tel département. Il s’ensuit des batailles internes parfois
féroces entre services en vue d’assumer la responsabilité des contenus
et des mises à jour, d’autre part des négociations avec les services de
communication sur le sujet de l’aspect graphique du site Internet et Intranet.
C’est là, après les batailles internes en vue de l’appropriation du projet
Web, le deuxième écueil propre à faire échouer les initiatives d’entreprise
sur l’Internet, car le débat s’installe ainsi sur le plan purement formel,
et qui plus est, rarement sur des bases solides de conception Web. Le
Web est objet de pouvoir et donc source de conflits, mieux vaut le savoir,
et il faut travailler pour que les points de vue viennent s’enrichir mutuellement
et non qu’ils s’affrontent de manière antagonique et stérile.
Tant d’énergie est dépensée à l’intérieur des entreprises
…
autour de l’appropriation de nouveaux véhicules de communication
que l’essentiel en vient souvent à échapper à l’ensemble des protagonistes.
Tout d’abord que les projets Web sont obligatoirement des projets à mener
en équipe. Ensuite que les « chartes graphiques » pour nécessaires
qu’elles soient ne remplacent pas le contenu. Le Web ayant en outre ceci
de différent du papier (la fameuse plaquette produit que personne ne lit)
qu’il est interactif, c’est-à-dire qu’il permet d’instaurer un dialogue
entre le client, le fournisseur ou le futur employé,… et l’entreprise,
et que ce dialogue peut être rapide, direct et efficace. L’interactivité
ne réside pas - malgré les préjugés tenaces - dans les animations flash
de la page d’accueil.
C’est cette interactivité …
qui nous amène à rejoindre les deux sujets de la communication
vers l’interne et vers l’externe. Car si tant d’énergie doit être dépensée
pour amener du contenu vers l’extérieur de l’entreprise, comment justifier
qu’il soit plus important que cette énergie soit utilisée à des fins internes ?
L’Intranet d’entreprise prend toute sa dimension quand l’information mise
en ligne pour des clients, des fournisseurs, des partenaires, investisseurs,
candidats,… en constituent le fondement. Ainsi avons-nous décidé de baser
toutes nos informations produit chez France Télécom UA STI sur des informations
clients. Ce sont ces informations utiles au client qui constituent l’essentiel
du corpus de l’Intranet, lui-même alimenté par le site Internet principal
(viasolutions.com). L’Intranet vient ensuite s’enrichir de données propres
au personnel mais il est avant tout un référentiel pour les documentations
clients et donc un passage obligé pour remplir notre mission principale
qui est de servir ces clients et qui implique de fournir à la force de
vente tous les éléments propres à atteindre cet objectif. C'est ainsi
une garantie de son utilisation et de son utilité.
De même, sur le plan d’un groupe aussi important…
que France Télécom l’Intranet est devenu un outil fondamental,
surtout comme dans le cas de l’Arianet, la cellule de veille du groupe,
il fournit des informations marché utiles aux managers et aux chefs de
produits. Là encore, c’est l’information externe (partagée avec les fournisseurs
de contenu que sont les principaux instituts de marketing du monde de
l’informatique et de l’Internet) qui enrichit l’entreprise en injectant
une information utile, propre à l’action.
Les deux cas précités tendent à montrer que la communication
interne est rendue plus percutante, plus utile lorsqu’elle est enrichie
d’informations venant de ou destinée à l’extérieur de l’entreprise.
si l'Internet apporte cet élément de fraîcheur…
fondamental à la communication interne en la rendant perméable
à ce qui se passe à l’extérieur de l’entreprise, il ne faudrait pas se
cacher la réalité de l’Internet dans les grandes entreprises française
à l’aube du troisième millénaire.
Il est en effet regrettable de voir combien la grande
majorité des grandes entreprises françaises (nous mettrons ici volontairement
à part celles qui appartiennent au secteur de l’informatique et de la
télécommunication) ont abordé l’Internet par son côté le plus sombre qu’est
la sécurité. Trop souvent, l’accès à Internet est restreint, voire confiné
à quelques postes en libre service. La navigation sur l’Internet dans
beaucoup de nos grands groupes s’apparente souvent à un parcours du combattant
qui pose d’énormes problèmes techniques au déploiement des services sur
Internet en entreprise. Lancer un service Web auprès des abonnés de Wanadoo
en France est finalement plus aisé que de travailler avec un public de
grandes entreprises. C’est ce que nous avons pu constater en lançant le
service de télécopie par Internet « Faxfacile.com » qui a drainé
rapidement un flux important d’Internautes (plus de 30000 clients en 9
mois, et près de 400000 utilisateurs par an en début de vie) car son accès
au travers de Wanadoo est réellement universel et ne pose pas de problèmes
techniques préalables. Dans le monde de l’entreprise, il faudra s’entourer
de précautions techniques préalables quant à la capacité du client mais
aussi des clients du client (dans le cadre d’un outil de collaboration
par exemple) à consulter librement et sans contrainte cet outil, sans
que son utilisation ne génère des coûts insensés en terme de support client.
Enfin et surtout, il faut noter l’indéniable abus d’utilisation
de l’Internet…
à des fins personnelles par beaucoup au sein des entreprises.
Dans une grande entreprise informatique en Grande Bretagne, dès 1996,
on notait que 50% de la bande passante dédiée à Internet était utilisée
à des fins personnelles (sites X, achats en ligne, recrutement, sites
grand-public non professionnels,…). Même constatation dans un grand institut
de recherche français l’an dernier. (même proportion). L’avènement du
multimédia et notamment du streaming audio (via les radios en ligne qui
sont très consommatrices de trafic) oblige aujourd’hui certaines entreprises
à limiter l’usage de tels outils. On garde même en mémoire des cas de
jurisprudence récents en Grande Bretagne qui ont ouvert des débats sur
la liberté d’expression et ses limites. C’est là un frein indéniable pour
tous ceux qui cherchent à déployer dans le cadre professionnel les techniques
de retransmission de son et d’images.
Tout ceci ne doit pas gâcher le formidable essor de
l’Internet…
et des Intranets dans le monde économique et dans une
période aussi brève. Véritable mine d’or pour les entreprises du monde
réel, il s’agit là d’un vecteur économique majeur de développement de
la pratique commerciale. Passée la parenthèse des pure plays (appelés
déjà ‘yesterday dot coms’ de l’autre côté de l’Atlantique depuis près
d’un an), les entreprises peuvent enfin envisager le renouveau de leurs
services au travers de ce nouveau médium. Il ne reste plus qu’à garder
en tête que les miracles en économie n’existent pas, que la nouvelle
économie n’est qu’une chimère mais qu’une économie bien réelle peut
tirer profit de ce nouveau mode de communication direct, rapide et interactif
non seulement pour gérer la relation client mais aussi et surtout pour
vendre. Les entrepreneurs qui savent allier rigueur, commerce traditionnel
et interactivité (via le Web et les autres médias complémentaires) sont
les futurs gagnants du Web. Fnac.com en est un bonne démonstration, avec
près de 50% des ventes qui sont retirées au guichet des magasins. Ils
réussiront ainsi à rajeunir leurs produits ou services, développer de
nouveaux canaux de distribution et améliorer leur efficacité commerciale.
Pour ceux là, la synergie entre puissance communicative
du Web, et son intérêt commercial ne sera pas un vain mot. C’est ça la
véritable nouvelle économie.
Yann Gourvennec
http://fr.viasolutions.com
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