Nés dans un environnement paysagé par la publicité,
nous sommes tous des filles et fils de pub. Spontanément, nous
avons reproduit sur le web la structure ancienne. Normal, nous avions
reçu en héritage le modèle élaboré
au siècle dernier - de la pub dans les journaux et dans la rue.
Depuis plus de cent ans, le tarif de la publicité dépend
du tirage et/ou de la notoriété des , supports. Le tarif
des bandeaux, boutons ou animations publicitaires sur les sites a suivi
le même chemin. Il dépend de la fréquentation et la
notoriété des sites.
Si vous aviez demandé à un professionnel des années
30 pourquoi il acceptait cette pub à l´aveuglette dont l´impact
ne peut être qu´imparfaitement mesuré, il vous aurait
pris pour un martien et répondu qu´il n´y avait rien
d´autre de disponible sur le marché. Il était techniquement
impossible d´établir un lien direct entre l´annonce
publicitaire et l´acte d´achat. Des générations
de stratèges se sont employé à affiner les mesures
d´impact. Sans jamais vraiment y parvenir. Du coup, faute de fusil
à lunette, il n´y avait qu´une seule solution : viser
large. On arrosait copieusement même si les cartouches se payaient
d´avance et au prix fort. Bien sûr, l´investissement
publicitaire finissait le plus souvent par être rentable. Mais,
faut-il le répéter, le système existait et
continue d´exister - faute de mieux.
Jouons maintenant à remonter virtuellement le temps. Imaginons
que, voilà bien longtemps, un génial inventeur ait trouvé
le moyen d´établir un lien direct et irréfutable entre
le support publicitaire et l´acte d´achat. L´histoire
de la pub se serait écrite autrement. Une autre structure serait
née. Les gestionnaires de supports publicitaires seraient devenus
des intermédiaires semblables aux représentants de commerce,
payés à la commission. Un VRP n´est pas rétribué
au nombre de kilomètres parcourus ou au nombre de clients rencontrés.
Sa rétribution est proportionnelle au chiffre d´affaires
généré. Visualisons les conséquences. Pour
l´annonceur, le risque change de camp. Ce n´est plus lui qui
prend le risque de lancer une coûteuse campagne publicitaire et
d´aller au tapis. C´est le gestionnaire du support publicitaire
qui est contraint de faire la preuve de la réalité du service
rendu. C´est lui qui évalue les commissions qu´un produit
est susceptible de lui rapporter. Et s´il se trompe, c´est
lui qui boit le bouillon.
Imaginons toujours ce système différent solidement en
place, croyez-vous que quiconque aurait crié au marché de
dupes ? Bien sûr que non. La compétition aurait opéré
d´une autre manière sa sélection. Les gestionnaires
de supports publicitaires auraient été autrement plus attentifs
à l´efficience de leur activité. Les meilleurs auraient
choisi pour partenaires les commerçants qui rapportent le plus
de commissions. Et les annonceurs auraient adapté leurs commissions
pour gagner leur place sur les meilleurs supports.
Au centre le consommateur aurait arbitré. La sélection
des meilleurs produits au meilleur prix aurait sans doute été
moins brouillée par des campagnes publicitaires assourdissantes.
La part de publicité dans le prix d´un produit aurait probablement
été inférieure. D´où une baisse des
prix. La publicité aurait probablement été mieux
ciblée. D´où une publicité moins envahissante,
plus harmonieuse, peut-être aussi plus subtilement persuasive.
L´équilibre trouvé au fil des décennies
aurait privilégié à la fois les meilleurs supports
et les entreprises qui offrent les meilleurs produits au meilleur prix
. Mais il y aurait eu une énorme différence. Pas besoin
d´une force de frappe financière préalable pour lancer
un produit sur le marché en attendant un hypothétique retour
sur investissement. Si le produit est élu par le consommateur,
l´entreprise qui ne peut prendre le risque d´investir des
sommes colossales se bat quasiment à armes égales avec les
poids lourds de sa branche. La prime est donnée à la créativité
et à la qualité, pas à la surface financière.
Bref, c´est un système qui offre davantage de maîtrise
au consommateur et donne ses chances à chaque entrepreneur, quel
que soit le domaine d´activité..
Si ce système avait été techniquement possible
voilà bien longtemps, aurait-il prévalu sur celui que nous
connaissons ? Je vous laisse répondre.
J´ignore qui est l´inventeur du premier logiciel d´affiliation
sur Internet. Sa géniale invention n´a qu´un seul défaut.
Elle surgit alors que l´ancien système est en place. Les
intérêts en jeu sont énormes. La citadelle résiste.
Il faut bien le reconnaître, les briques de nos rigidités
mentales en renforcent les murs.
Affiliation ? Fi donc, manant passez votre chemin. Les bons gros sites
(pas tous heureusement) croient à la bonne vieille pub. Accepter
une affiliation serait déchoir. Et on ne sait jamais, ça
pourrait donner de mauvaises idées aux annonceurs qui acceptent
encore de jouer à colin-maillard (ou colin-milliards). Les affilieurs
ont beau démontrer qu´avec le temps le revenu de l´affiliation
rattrape et dépasse le revenu de la pub classique, on s´accroche
au système connu. On ne fait pas « ça » parce
que. On ne l´a jamais fait. Les autres ne le font pas. On dit que
ça ne rapporte pas toujours. On ne touche pas d´argent tout
de suite. Tout le monde sait que c´est à l´annonceur
de prendre des risques.
Face à ce conservatisme d´ancien régime, il suffirait
d´une masse critique d´annonceurs-affilieurs pour ouvrir une
brèche dans la citadelle. J´ai la conviction que c´est
une question de mois, au plus d´un ou deux ans. Plus vite les mentalités
évolueront, plus rapide sera l´effondrement de l´ancien
régime.
Déjà, la révolution gagne les autres supports
publicitaires. Aux Etats-Unis, certains journaux commencent à accepter
d´inclure des code-barres dans leur pub. Des codes qui, transcrits
sur un PC, mènent au site de l´annonceur et de là
à l´acte d´achat. Le mariage annoncé entre la
télévision et le PC permettra bientôt la même
chose à partir des spots de pub. L´affiliation sera alors
partout techniquement possible.
Bien sûr, l´affiliation ne balayera pas complètement
l´ancien système. Une longue cohabitation s´annonce.
Mais la place qu´elle prendra suffira à changer bien des
règles du jeu.
Et vous, lectrices et lecteurs qui m´avez suivie jusqu´au
terme de cet article, où vous situez-vous ? Comme toute révolution,
l´affiliation mérite discussion. Le débat est ouvert.
Dans les têtes d´abord. Puis dans le monde virtuel. Et enfin
dans le monde réel
Martine Heinzer
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Tél: 0041794202614
[07.06.2002 14:11 - Martine Heinzer] |