Après la publication de la première partie de "Y a t-il
quelqu'un pour acheter mon site ?" la semaine passée, nous
avons reçu une bonne centaine de messages nous invitant à
visiter des sites (ah si on avait plus de temps !) et à en
raconter davantage sur le "rachat" et la "vente" des sites Internet. Preuve
que le sujet est bien brûlant !
Une précision d'abord en guise d'introduction, le prix d'un site
à l'inverse de celui d'un vin n'a aucun rapport avec sa longévité
en ligne.
Un site internet a t-il réellement une valeur marchande ?
Mettons nous à la place de l'acheteur éventuel de site
tel que nous l'avons défini dans la première partie. Quelles
peuvent donc être ses motivations alors qu'il fait une offre de
rachat ?
D'abord le trafic en qualité ou en quantité, la présence
de partenaires commerciaux ou publicitaires qui rendent l'affaire viable,
la liste d'adresses email d'utilisateurs que le site a su développer
avec le temps, le nom de domaine s'il est fameux ou facile à retenir,
la "marque virtuelle" que le site symbolise, éventuellement le
contenu lorsqu'il est abondant et très spécialisé
ou difficile à égaler.
Et le design dans tout ça ? Quelle valeur cela peut-il
bien représenter ? Si l'on considère qu'un développement
graphique reste la propriété morale de son auteur et quand
on sait que tous les sites majeurs changent de look tous les neuf mois,
le design ne revêt pas une importance majeure dans l'estimation
de la valeur marchande d'un site web. Un développeur-graphiste
peut valoir très cher lorsqu'il planche sur un concept nouveau
mais une fois en ligne, c'est comme si son oeuvre devenait publique.
Dans un sondage en ligne sur la qualité générale
des sites internet mis en place par Eurobytes
et Francité il y a deux mois,
50% des personnes interrogées avaient estimé qu'un site
attirant 5.000 visiteurs par jour n'avait pas une valeur marchande supérieure
à 150.000 francs.
C'est sans doute la preuve que la population en ligne manque encore
de références concrètes et sérieuses. Car
5000 visiteurs par jour, cela fait environ 25.000 pages vues quotidiennement
et 750.000 PAP (pages avec publicité) potentielles chaque mois.
Une véritable machine de guerre pour communiquer sur le web...
Le pouvoir du trafic
Si l'on en croit ce sondage, avec le contrat d'une régie publicitaire
en poche (qui reverse grosso-modo 100 francs par millier de bannières
publicitaires imprimées) et une structure bien organisée,
un site tel que celui-là serait donc intégralement remboursé
en deux mois seulement. Belle affaire. Trop belle... Un site pareil se
négocierait probablement entre professionnels aux environs du million
de francs lourds. Pourquoi ? Parce que "trafic", ça signifie
"pouvoir" en langue web.
Le trafic et la présence de partenaires publicitaires de grandes
notoriétés sont deux critères de choix pour les économistes
du monde virtuel. Ils ne signifient pas forcément grand chose sur
un plan marketing (les marketers privilégient la qualité
du trafic), mais ils viennent assurément en tête pour déterminer
la valeur marchande d'un site. La logique commerciale est la même
que celle qui établit qu'un emplacement de vente dans un centre
commercial n'a pas la même valeur locative qu'un fonds de commerce
dans une rue déserte.
La présence d'un flot continu et régulier de visiteurs
si elle n'est pas une garantie de succès, constitue néanmoins
un solide "booster" pour une compagnie désireuse de communiquer
sur le web.
On l'a vu il y a quelques semaines, le push marketing via email est
une stratégie qui gagne du terrain sur Internet. Il n'est pas loin
le temps où l'on "louera" à l'avance des listes d'adresses (les
propriétaires ayant préalablement accepté de recevoir
des messages commerciaux) pour lancer sa promotion. Pour tout vous dire,
ça existe déjà même si netiquement parlant,
c'est souvent discutable.
On comprend dès lors toute la valeur qu'on accorde aux adresses
email qu'un site bien maintenu ou publiant une lettre d'information est
en mesure de constituer. Cette liste d'adresses, qu'on peut apparenter
aux prémices d'une communauté virtuelle d'utilisateurs,
constitue la garantie que le site est bien vivant et activement soutenu.
C'est aussi un indice substantiel qu'il est en mesure de générer
des revenus (publicitaires) à défaut de profits. Ca rapporte
donc pas mal de points lors d'une estimation.
Les coûts de maintenance et de production de contenu (dans le
cas fréquent où un webmestre vend son site tout en continuant à
l'administrer au quotidien) sont, on le comprend aussi, primordiaux dans
l'estimation de la valeur d'un site.
Il est clair qu'un site aussi populaire que Rigoler.com
et sa liste de 12.000 abonnés, valent plus cher à l'achat
qu'un site d'actualités qui disposerait d'un trafic comparable
mais exigerait beaucoup plus de frais d'exploitation, d'efforts de maintenance
et de productions éditoriales. La simplicité, finalement,
ça paie sur le web.
Et combien ça vaut un site ? Des exemples de prix...
Avec SAM, nous avons pour lors réalisé une vingtaine d'audits
de sites avec, à chaque fois, une estimation de sa valeur marchande
dans le contexte actuel du cyberespace. Combien valent donc nos sites
francophones ? Dans la majorité des cas et ce ne fut pas la
moindre de nos surprises, nos clients sous-estimaient la valeur financière
de leurs efforts en ligne.
Ainsi, près de 50% des sites professionnels étudiés
ont été évalués entre 90 et 140 000 francs;
il s'agissait de sites d'art et culture, de gastronomie, de tourisme et
même un site de vente en ligne avec paiement sécurisé.
Ils ne bénéficiaient évidemment pas d'un trafic considérable
mais étaient en général très bien maintenus.
Ils acceptaient en outre la publicité, bénéficiaient
d'un volume d'archives important (contenu spécialisé de
qualité) ou avaient su mettre en place des listes d'adresses email
qui coïncidaient avec cette nécessité absolue pour
les administrateurs d'un site de développer une communauté
d'utilisateurs fidèles.
Deux sites d'une autre nature, un service d'email gratuit et un journal
d'informations en ligne ont fait l'objet d'estimations beaucoup plus élevées,
au delà de 700 000 francs. Mais ils pouvaient justifier d'un trafic
assez important et avaient déjà tous deux des contrats publicitaires
avec des régies pour l'année 1999.
Quant aux autres, des sites professionnels sans valeur ajoutée
particulière, ni nom de domaine porteur, ni qualité de trafic
évidente, les prix oscillaient selon la qualité de présentation
et de maintenance, entre 20.000 et 60.000 francs (parfois même moins
cher que le prix auquel le site avait été acheté
à l'origine). Il faut le savoir aussi, certains sites qui manquent
de soutien ou de public, perdent de la valeur sur Internet.
Aujourd'hui et, avant que le marché du site d'occasion ne s'éveille
véritablement sur le web francophone, tout site maintenu par des
professionnels a une valeur marchande. Celle ci dépend en grande
partie du nombre de visiteurs qu'on parvient à attirer sur le site
mais pas uniquement.
Par ailleurs, si votre site ne vous apparaît pas être le
candidat idéal pour le rachat, nous couvrirons la semaine prochaine
une autre question liée au financement des présences virtuelles;
le sponsoring sur le web... Cela existe t-il vraiment ?
Philippe Monteiro
da Rocha
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