e
spamming est aussi appelé par les spécialistes " pourriel ",
" pollustage " ou encore " junk e-mail ". Il consiste à
envoyer des messages électroniques non sollicités à des destinataires
dont on s'est préalablement procuré les adresses dans des fichiers
ou des forums de discussion. En effet, l'internet permet assez facilement de se
constituer des fichiers d'adresses par plusieurs moyens. On peut ainsi, en fréquentant
les forums ou les groupes de discussion, identifier et rentrer dans son fichier
des personnes dont on connaîtra - en fonction du groupe de discussion par
exemple - les goûts, les aspirations, les convictions, etc. Le spamming
est une question récurrente lorsque l'on aborde l'internet parce qu'omniprésent,
l'envoi de mails non sollicités agace, ennuie, désespère...
Cette activité se rattache à au moins deux régimes spécifiques
dans le droit français : la constitution et l'utilisation de fichiers et
l'activité de démarchage à domicile du consommateur.
La loi
nº78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers
et aux libertés encadre très précisément le droit
français de l'informatique en posant quelques grands principes et en instituant
un organe de veille et de contrôle de ces principes, la Commission Nationale
de l'Informatique et des Libertés (C.N.I.L.).
Parmi les
grands principes, on citera notamment la volonté de placer l'informatique
au service de chaque citoyen (article 1er de la loi). Toutes les dispositions
de la loi concourent très exactement à faire respecter cet objectif.
Le législateur
de 1978 a su comprendre à l'époque que le principal danger de l'informatique
résidait dans la possibilité de créer des banques de données
ou des fichiers répertoriant plusieurs dizaines ou centaines de critères
ou item avec la possibilité de traiter très rapidement ces données
et de les exploiter dans le but que l'on s'est fixé. Afin de limiter ce
risque, il a été mis en place un système juridique de déclaration
préalable et de contrôle pour permettre de limiter les dérapages
et les utilisations abusives de fichiers.
Le dispositif
choisi par le législateur a pour objectif de faire cohabiter les nécessités
administratives, commerciales et les libertés fondamentales de chacun (droit
au respect à la vie privée notamment).L'article 16 de la loi prévoit
que " les traitements automatisés d'informations nominatives effectuées
pour e compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions
de l'article 15 [Etat, collectivités publiques, établissement public,
personne morale de droit privé gérant un service public] doivent
préalablement à leur mise en uvre faire l'objet d'une déclaration
auprès de la commission nationale de l'informatiques et des libertés.
[...] le demandeur n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités
".
Le spammeur
qui constitue de lui-même un fichier pour ses e-mails non sollicités
devra donc au préalable demander l'autorisation la C.N.I.L. pour la constitution
de son fichier. Dans le dossier de déclaration, il devra indiquer notamment
le but du fichier, la méthode de collecte des informations qui y figureront,
la durée de conservation des données et les moyens de mise en uvre
du droit d'information, d'accès et de rectification dont dispose les individus
figurant dans le fichier. La contravention à ces principes est réprimée
par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Sont prévues
notamment des peines d'emprisonnement de trois ans et des peines d'amendes de
300.000 francs pour le défaut d'autorisation préalable (article
226-16) jusqu'à des peines d'emprisonnement de cinq ans et 2.000.000 francs
d'amende pour le fait de collecter par un moyen frauduleux, déloyal ou
illicite des données dans le but d'un traitement d'informations nominatives.
Le principe
du spamming étant d'inonder les boîtes à lettres électroniques
par des messages le plus souvent publicitaire, il y a vraisemblablement collecte
d'informations nominatives, constitution de fichiers avec ces informations et
traitement informatisé de ces informations. Avec l'expérience de
l'internet, on peut affirmer que l'immense majorité des spams ne comporte
aucune des mentions requises par la loi informatique et libertés. Il n'y
figure jamais le simple droit d'accès et de rectification dont dispose
pourtant toute personne figurant dans le fichier.
Plus agaçant,
ces spams sont envoyés par des robots qui gèrent des mailing-list.
On rencontre au hasard des sites visités des possibilités de s'abonner
à ces listes qui sont automatiquement routées à l'adresse
que l'on a fourni. Les spams et ces listes d'abonnement sont en principe fondamentalement
différentes. Ces dernières proposent toujours une possibilité
de se désabonner, mettant un terme au désordre, tandis qu'aucune
mention de ce genre n'est offerte dans les spams.
Ces pratiques
sont ouvertement contraires à la loi informatique et libertés et
leurs auteurs peuvent faire l'objet d'une condamnation. Mais le réseau
internet pose une difficulté toute spéciale en la matière.
La portée de la loi informatique et liberté est limitée au
territoire de la république française et ne s'étend pas au
delà. Il n'est pas possible de poursuivre un texan dont les multiples serveurs
sont disséminés sur tout le territoire américain, inondant
les internautes français de messages publicitaires non sollicités.
Certains
auteurs tentent régulièrement de faire appel à des règles
spécifiques de l'internet. La " netiquette " est un ensemble
de point que tout internaute doit en principe respecter. Il s'agit plus d'un code
de bonne conduite qu'un véritable dispositif juridique puisqu'il n'est
consacré par aucune norme de droit positif (convention, loi, décret).
Les spammeurs violent d'ailleurs régulièrement la netiquette parce
qu'ils savent qu'aucune sanction juridique n'y est prévue. D'autres tentent
encore d'appuyer leurs démarches judiciaires sur des textes spécifiques
(règlement intérieur de l'Internic, etc.). Ces textes n'ont pas
démontré jusqu'à présent leur efficacité, en
droit français notamment.
Cette
impuissance juridique contre les spammeurs trouve pourtant un début de
solution sur le terrain technique. Les informaticiens proposent des petits programmes
censés filtrer les courriers et éliminer les spams. Mais la solution
la plus efficace semble être celle proposée par les ISP (Internet
Services Provider) qui interdisent contractuellement le spamming dans le cadre
de leurs services. Ainsi, l'entreprise X qui souhaitera démarcher massivement
des internautes pour son produit pourra se voir exclue du service de mails, voire
de l'hébergement, fournis par son provider. En France, les fournisseurs
d'accès tels que Wanadoo et les hébergeurs tels qu'Internet FR interdisent
dans leur conditions générales le recours au spamming via leurs
plates-formes techniques. Le non respect de ces conditions entraîne la rupture
du contrat voire le versement d'indemnités. Conscients de la mauvaise image
de marque que le spamming véhicule, ces sociétés ont décidés
de se séparer des utilisateurs de ce procédé publicitaire.
Enfin
il faut évoquer la possibilité de soumettre le spamming au dispositions
du code de la consommation. On pourrait considérer que l'envoi de courrier
électronique dans la boîte à lettres électronique d'un
particulier doit respecter les dispositions des articles L 121-21et suivant du
code de la consommation. Ces articles précisent les conditions du démarchage
à domicile et en sanctionnent les abus. Mais là encore il convient
d'être modeste. Le droit français n'a pas encore une portée
universelle et le démarchage depuis un état étranger, fut-il
de la communauté européenne rendra les poursuites judiciaires compliquées.
En conclusion,
le spamming est une pratique qui viole régulièrement la loi de l'informatique
et des libertés sur au moins deux points. Les fichiers d'e-mails ne sont
jamais déclarés préalablement à leur constitution
et les personnes figurant dans ces fichiers ne disposent pas du droit d'accès
et de rectification des données les concernant. En ce qui concerne les
infractions au code de la consommation, il s'agit là de prospective puisque
le législateur de l'époque a entendu réglementer les démarchages
par courrier, par téléphone ou encore les visites domiciliaires
mais l'internet n'est pas cité. On peut espérer que sur ce dernier
point la jurisprudence comble ce vide juridique.
Il reste
qu'il faut être prudent lorsque l'on veut s'attaquer judiciairement au spamming.
L'arsenal juridique français ne s'étend pas au delà de nos
frontières et il est impossible de prétendre aujourd'hui empêcher
les spammeurs de toute nationalité de polluer nos boîtes à
lettres en faisant simplement appel à la loi. Cacher son adresse mail reste
encore à ce jour la meilleure protection contre les pollueurs.
Jean-Claude
Pantin
Juritel.com
|