'usage, les modalités, la structure de ce nouvel outil
qu'est la signature électronique (signature digitale pour
d'autres) font couler, et n'ont pas fini de faire couler,
beaucoup de bytes et de pixels 1).
Ces quelques mots, tout en participant au déferlement ambiant
…ont simplement pour objectif d'essayer d'aborder le problème
du strict point de vue du consentement et de l'impact de
l'évolution d'un outil dans l'expression de ce consentement
car, et on l'oublie trop souvent sous une masse de considérations
techniques, la signature (électronique ou pas) est l'expression
que l'on est d'accord - ou en accord - avec le document
que l'on signe 2).
Quelles
sont donc les composantes de la signature, l'impact de la
signature, que transforme l'électronique dans la
notion de signature, ces transformations sont-elles d'un
point de vue du droit problématiques et, si tel est
le cas, comment faire pour remédier à ces
problèmes... tel est le cheminement que nous emprunterons
au long des quelques pages qui vont suivre.
La
signature s'inscrit donc dans un contexte, le contexte de
l'écrit.
Le droit, on le rappelle, reconnaît à l'écrit
sur support électronique la même valeur probante
3) que l'écrit sur support
papier 4) . Ce n'est donc pas sur
la dématérialisation de l'acte que se pose
le problème sauf si les conditions " ad validitatem
" demandent un écrit sous forme physique pour
constater la validité de l'acte 5).
En revanche, la nature de la signature apposée renseigne
sur la nature de l'écrit, donc sur sa portée.
De ce fait, la signature est apposée au bas 6)
de l'écrit pour exprimer :
·
Que l'on est l'auteur de l'écrit
· Que l'on est d'accord avec ce qu'il contient..
· Ou les deux
1)
Dans le domaine du virtuel, l'expression " faire couler
beaucoup d'encre " peut sembler un peu anachronique
que
vont devenir nos beaux proverbes ?
2) La signature, nous dit le GLULF est : "
un nom ou marque que l'on met au bas d'un écrit ou
d'un titre de paiement pour attester qu'on en est l'auteur
ou qu'on en approuve le contenu "
3) Art 1316-4 du Code Civil & décision
TGI Paris 21 Janvier 2001.
4) Attention cependant, il faut aussi
que ce mode de preuve ait été admis
Loi
du 13 Mars 2000 et Décret d'application du 30 Mars
2001..En attendant les arrêtés
5) On peut s'interroger sur ce type d'exigences,
car la loi reconnaissant que l'écrit peut être
considéré sous forme physique ou électronique,
si un contrat exige un écrit sans préciser
que celui-ci doit être physique, un acte électronique
devrait être suffisant. Se pose alors la question
de la rédaction notamment des contrats financiers
qui comprennent dans leur rédaction l'obligation
d'un écrit
sans précisions. Il est probable
que, si pour des raisons de répudiation, les cocontractants
souhaitent conserver un support physique, la rédaction
desdits contrats sera à revoir. Voir à ce
propos, PYGautier - petites affiches février 2000.
6) L'apparition du formalisme occidental de
la signature est assez ancien, le signum latin se comprend
comme " marquer d'un signe " quelque chose
ce
signe étant lié à son propriétaire.
Quant à la signature expression du nom, on la retrouve
dès l'apparition de l'écriture en Ur. Voir
à ce propos L'histoire commence à Sumer -
Samuel Noah Kramer - Editions Arthaud Paris 1986
La
signature expression, revendication de paternité
La signature, la marque que l'on appose au bas du document
est la touche finale, le point final à cette création.
On n'a jamais vu un peintre commencer par signer une toile
avant de la peindre...ce serait une originalité amusante
mais là n'est pas l'objet de notre propos.
La signature s'inscrit ici dans le contexte de création
d'un acte, d'un objet. Le signataire s'impose et revendique
les droits et devoirs de ce qui est exprimé au travers
de cet acte ou de cet objet dont il est l'initiateur, le
rédacteur, le créateur 7).
La
signature expression d'un consentement
La signature est l'expression d'un consentement. Un signataire
n'est pas forcément l'auteur de ce qu'il signe. En
revanche, il peut exprimer son accord par rapport à
l'écrit d'un tiers avec qui il souhaite contracter.
Ce consentement est régi par des règles strictes
8), et peut être remis en cause
9).
Ce rapide survol de la notion de signature fait apparaître
que celle-ci, au delà de son sens, est intrinsèquement
lié au signataire, à l'humain. Or, qu'advient-il
de ce lien dans un cadre dématérialisé
? La signature électronique, telle qu'on nous la
propose, est-elle vraiment un substitut à la signature
sur support physique ? retrouve-t-on bien dans l'immatériel
la sécurité juridique qu'offre le matériel
?
C'est un fait, la notion de signature est intégralement
bouleversée par l'immixtion de l'immatériel.
Pourquoi ?
Signature
ou sceau : l'improbable définition.
L'immatériel introduit une notion troublante d'éclatement
entre le support de l'acte et le support de la signature.
Ainsi, alors qu'à l'aide de votre plume, de votre
crayon, vous apposiez votre signature et que celle-ci devenait
délicate à enlever (sauf à gratter,
mais cela se voit) 10), qu'elle se
mêlait, d'une certaine façon à l'acte,
la signature électronique - même si certaines
techniques tendent à entremêler les bytes de
l'acte et les bytes de la signature - demeure une entité
séparée, bien distincte non seulement du document
à signer, notamment lors des phases de vérifications,
mais aussi de son utilisateur : le signataire. Alors que
votre signature " est en vous " 11),
la signature électronique est un corps étranger,
qui vous est étranger, généré
par d'autres et que vous adoptez par accord contractuel.
La nuance est d'importance car elle introduit la possibilité
d'une répudiation du corps étranger. Alors
qu'il est parfois délicat 12)
de se répudier soit-même, il est plus simple
de réfuter quelque chose qui vous est extérieur,
de révoquer et/ou répudier 13)
l'accord contractuel vous liant à l'objet signature
électronique. C'est cette extériorité
de la signature électronique - au même titre
que les sceaux de jadis 14) - qui
la rend fragile.
7)
Le Code de la Propriété Intellectuelle reconnaît
comme auteur celui sous le nom duquel la création
est divulguée
8) Il fait l'objet d'une section complète
de notre Code Civil
9) Art 1109, 1110 et 1111 et suivants
du Code Civil.
10) Voir à ce propos, l'amusante
dissertation sur la notion de faux in " les faux monnayeurs
" - Gide - Gallimard
11) Le Littré parle de la " marque
de son auteur "
12) Mais cela arrive, voir op.cite " les
vices du consentement "
La
signature électronique : fragile comme un sceau ?
Cette fragilité est essentiellement fondée
sur un triple constat :
· la signature électronique n'est pas conçue
pour vivre dans le temps
· La signature électronique peut être
séparée de l'acte à signer
· La signature électronique est distincte
de son utilisateur
La
signature électronique n'est pas conçue pour
vivre dans le temps.
Ce constat appelle une rapide - très rapide car d'autres
se sont attelés avec compétence et grand succès
à cette tâche 15) -
définition de la signature électronique.
Pour schématiser : une signature électronique
comprend un outil & un moyen de vérification
(le certificat). L'outil est un sceau, un couple de clefs
enfin
ce que l'on veut
16) qui permet
d'une façon ou d'une autre de matérialiser
le consentement.
Le certificat est émis, associé à l'outil.
Il permet d'affirmer deux choses :
·
Le lien entre la personne et l'outil
· Que ce lien est toujours valide (c'est la durée
de vie du certificat)
Il ne permet pas, en revanche, de dire si la technologie
propre à l'outil est toujours valide. Ainsi, si la
technologie expire, une attaque " chirurgicale "
17) sur le document signé
n'est pas à exclure. Qu'advient-il alors de sa validité
dans le temps ?
La fragilité temporelle de la signature est donc
double. Elle réside à la fois dans la technologie
18) utilisée et dans la méthode
de vérification utilisée, toutes deux expirant
en leur temps 19). C'est donc à
la robustesse dans le temps qu'il conviendrait d'évaluer
la validité d'une signature électronique.
13)
Rapidement
la révocation est lié à un objet, un
moyen, la répudiation à l'homme - mais ces
notions au sens du droit nécessitent par elles-même
une analyse.
14) Voir à ce propos, un exemple historique
intéressant : Philippe le Bel - Jean Favier - Fayard
- sur la manipulation des sceaux & monnaies.
15) Pour ceux que cela intéresse "
une histoire des codes secret " Simon Singh Lattès
1999.
16) Le législateur européen a
distingué de façon judicieuse la signature
électronique avancée de la signature électronique
" lambda ". Toute signature électronique
est acceptable, mais plus la signature est complexe, plus
elle a de force
un peu à l'image du paraphe
et de la signature en toutes lettres
17) Une attaque chirurgicale est une attaque
qui par essence est précise, et si possible ne se
voit pas.
18) La technologie est par essence non pérenne,
même si le fait est parfois délicat à
faire accepter " a contrast model for updating beliefs
" University of Chicago, Center for decision research
- Einhorn & Hogarth 1984.
19) A l'image des garanties anti-corrosion
des voitures ?
La
signature électronique peut être séparée
de l'acte à signer
La signature électronique est apposée sur
l'acte à signer (à l'image du sceau). Elle
est constituée d'éléments distincts
qui peuvent le cas échéant être clairement
distingués donc écartés. On a vu plus
haut la notion d'attaque chirurgicale. Si l'on arrive à
distinguer les éléments propres à la
signature, il est tout à fait envisageable dans le
temps 20) de modifier le document
signé sans que la " signature " ne s'en
rende compte. Se pose alors la question de la conservation
des actes une fois signés. Car si le consentement
se recueille à un instant précis, l'acte a
une portée juridique dans le temps.
Or le législateur, s'il prévoit bien la conservation
des éléments de la signature afin de pouvoir
la vérifier dans le temps, y compris après
sa révocation 21), passe étrangement
trop rapidement sur cette problématique de la conservation
de l'acte afin que celui-ci puisse dans le temps conserver
sa valeur probante 22). Certes des
sociétés proposent des solutions 23)
pertinentes et des Fédérations 24)
s'interrogent, mais les règles quant à cette
problématique demeurent à définir.
La
signature électronique est physiquement distincte
de son utilisateur
On l'a vu plus haut, contrairement à la signature
physique, la signature électronique est distincte
de son utilisateur.
Aussi, un même utilisateur peut avoir plusieurs identités
associées à une même signature car,
comme le certificat est distinct de l'outil, on peut imaginer
une personne qui s'inscrit sous un nom avec un outil à
un endroit et sous un autre nom à un autre endroit
avec le même outil. Il y a ainsi un problème
de droit international 25) quant
à un référent commun d'attribution
et d'acceptation des signatures et des liens utilisateurs-signature.
Cette dichotomie pose clairement le problème de la
sévérité des contrôles liés
à l'attribution des signatures et des certificats
liés. Ainsi, une récente affaire 26)
a démontré la légèreté
de certaines autorités de certifications quant à
l'attribution de leurs certificats.
Fragilité dans le temps, fragilité dans son
application, fragilité dans sa conception
quelles
ont été les réponses des législateurs
- notamment européens - à ces constats de
fragilité ?
Un survol des textes en vigueur ou à l'étude
permet d'extraire un constat à la fois rassurant
et inquiétant. Rassurant car certains des talons
d'Achille de la signature dématérialisée
ont été traités, inquiétant
car des points d'ombre 27) demeurent.
20)
La
loi de Moore a peut être des limites mais elle ne
nous a pas trompée jusqu'à présent.
Voici quelques années, on présentait certains
outils de cryptologie (pgp par exemple) comme incraquables,
ou craquables avec des moyens dépassant les possibilités
du commun des mortels. Des projets comme CABAL nous démontrent
qu'il n'en est rien, et que si aujourd'hui l'outil est effectivement
sûr, on ne peut pas préjuger de son inviolabilité
sur ne serait-ce que 6 mois.
21)
Tout
le système des certificats & CRL (certificate
revocation lists) est là pour cela
22)
L'article
1316 évoque la conservation pour prévenir
les altérations
mais comment ?
23)
Voir
Pgenesys® de Protecrea.
24)
La
FNTC par exemple
25)
OCDE
et CNUDCI (Doc A/CN.9/WG.IV/WP.71, v§15) se penchent
sur le problème avec pertinence.
26)
Impliquant
Microsoft
Un traitement incomplet des fragilités
Le législateur, notamment européen 28)
, reconnaît ainsi la validité variable de l'outil
de signature électronique en fonction du sérieux
appliqué à son attribution.
Cette distinction entre signature électronique et
signature électronique avancée introduit l'idée
que toute signature dématérialisée
est acceptable, à charge pour les états 29)
d'établir les modalités de cette acceptation.
Les textes aujourd'hui adoptés ou en projet montrent
une tendance double :
·
soit à l'affaiblissement de la validité de
la signature (la signature est fiable jusqu'à preuve
du contraire
). Ce seront donc les experts techniques
qui auront probablement ici le dernier mot ;
· soit à la mise en place de responsabilités
& de systèmes de garanties 30),
notamment en ce qui concerne les émetteurs de l'outil.
Un fait néanmoins demeure : la signature électronique
commence à être utilisée alors qu'abondent
encore interrogations et interprétations
Le
débat est vaste, aussi vaste que l'écriture
Il
nous appartient cependant de ne pas nous y perdre
Catilina
est aux portes de Rome
et l'on délibère
31) ?
27)
Voilà
qui est normal car on ne réécrit pas 2000
ans d'histoire de l'écriture (sic !) en quelques
années
28)
directive
communautaire du 30 novembre 1999 relative à la signature
électronique
29)
La
Signature électronique simple est une signature sous
forme numérique intégrée jointe ou
liée logiquement à des données utilisée
pour signifier son acceptation du contenu des données.
La Signature électronique avancée est une
signature électronique qui satisfait aux exigences
suivantes :
a) être liée uniquement au signataire ;
b) permettre d'identifier le signataire ;
c) être créée par des moyens que le
signataire puisse garder sous son contrôle exclusif
; et
être liée aux données auxquelles elle
se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure
de données soit détectable.
30)
Les
cas de l'Espagne et de l'Italie sont à ce titre assez
intéressants.
31)
Ciceron
Caroline
Combe
www.protecrea.org
A propos de Protecrea.org.
"Crée
en 1999 par Caroline Combe, Protecrea.org est le premier
service
Internet sécurisé de dépôt, d'assurance
et de certification en ligne de tout
types de documents et créations numérisées.
Destiné tant aux entreprises qu'aux particuliers,
Protecrea.org s'est imposé
auprès de nombreux utilisateurs : Universités,
PME-PMI innovantes désireuses
de protéger leurs actifs immatériels, créateurs
individuels. Protecrea.org
draine une clientèle internationale désireuse
d'établir des éléments de
preuve quant à l'antériorité de leurs
droits sur toutes créations telle que
l'expose la convention de Berne, signée par plus
de 130 pays dont les Etats
Unis."
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