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 Sexe sur le net, grandeur et décadence.
Dossier de la semaine du 13 au 19 Aout 2001 par Manuel Rulier /Webreport.fr

nutile de se voiler la face sous une pseudo moralité de bon ton : le sexe sur le net fascine. Et c'est un révélateur efficace à plusieurs niveaux.
D'abord parce qu'en jetant un coup d'œil sur les statistiques européennes, on se rend compte que nos préjugés ne tiennent pas la route : on est surpris de constater que le profil type du sexe addict n'est pas français, n'a pas 25 ans et ne se connecte pas trois heures par jour…


Ensuite, parce que l'industrie du sexe on line donne des idées fraîches aux patrons de start-up qui y voient un modèle du genre : les techniques de rabattage mise au point sur les sites X ont fait leur preuve et le porno s'est avéré avoir les reins plus solides que n'importe quel autre secteur en ces temps de crise du Nasdaq.
Enfin, parce que les gros portails généralistes ont tout à apprendre du sexe : une rubrique "charme" qui suggère sans dévoiler, qui joue sur le côté "tendancieux et coquin" sans sombrer dans la vulgarité représente une part de trafic non négligeable…

En début d'année, Netvalue fait ses révélations intimes : une enquête réalisée au niveau européen stigmatise les petites habitudes des consommateurs de sexe sur le net . Mais, ô surprise, les clichés tombent et les chiffres nous forcent à remettre en cause certains préjugés pourtant bien ancrés dans les mentalités.
Ce sont les jeunes qui se rendent en masse sur les sites chauds mais ce sont les plus vieux qui y restent !
En réalité, la surprise ne vient pas des seniors, mais du temps de connexion par pays. C'est un cliché culturel que de voir nos confrères allemands comme de sages pragmatiques davantage intéressés par Goethe que par Pamela Anderson… Et pourtant ! Si l'on en croit les chiffres, la palme du temps passé leur revient avec une moyenne de 70,4 minutes par internautes par mois. Quant aux français, sur qui on colle généreusement une image de séducteurs romantiques et libertins, ils n'arrivent qu'en dernière position avec 45,9 minutes par mois…
Pour ce qui est des pronostics pour la prochaine enquête, Annabelle Jaeger, directrice de la communication chez Netvalue.fr, ne s'autorise qu'à un seul commentaire : "bien sûr, l'industrie du sexe sur le net ne peut qu'augmenter et avec elle la fréquentation des sites pour adultes, mais les prochaines statistiques mettront aussi en évidence la montée en flèche de la fréquentation des sites d'infos et de loisirs : comme pour le minitel, le sexe aura été un vecteur essentiel mais le sérieux finit toujours par reprendre le dessus !"

Techniques et positions stratégiques

En France, on recense 200 sites professionnels et plus de 7000 sites amateurs sans compter les newsgroups de tous poils où il devient difficile de ne pas tomber sur un message explicite. Dans ce contexte de concurrence féroce, de saturation du marché, les administrateurs de sites marchands X ont mis au point un véritable arsenal de techniques de marketing on-line dont on devrait tous s'inspirer. Par exemple la méthode dite du " rabattage "…Des sites gratuits ou amateurs amènent du trafic sur les payants, c'est win-win …
Le rabattage est une technique commerciale comme une autre et qui fonctionne très bien dans l'industrie du sexe sur le net. Monsieur X, gérant heureux d'une kyrielle de sites homonymes, possède un seul site vendeur - BoutiK7.com - sur lequel on trouve un stock de produits destinés au plaisir : de la vidéo à la culotte en cuir en passant par les escarpins vous y trouvez ce que vous voulez. Le problème c'est que, seul, ce site n'est pas assez visible via les moteurs. En réalité, les messieurs X sont tellement nombreux sur ce marché qu'un bon référencement devient presque impossible. Il faut donc construire des sites vitrines qui, parce qu'ils sont gratuits et répondent à un fantasme bien précis, attirent les internautes. Par exemple le fétichisme du pied (http://www.talons-aiguilles.com/ ) ou le SM pur et dur. Dès qu'ils ont franchi le seuil de la première page, un pop-up s'ouvre et leur propose une déroute vers le site principal où ils auront la possibilité d'acheter.
Seconde technique, non moins efficace, les programmes affiliés. Etant donné la profusion des sites adultes persos, Monsieur X a tout intérêt à les faire rentrer dans son circuit promotionnel. Il leur propose un partenariat simple : ils mettent une de nos bannières sur leur page qui rabat le visiteur sur BoutiK7. En échange, Monsieur X s'engage à les faire bénéficier d'un pourcentage sur ses ventes.
Aujourd'hui, l'évolution mensuelle de monsieur X, tous sites confondus, est de 25 %. Les 4 employés de boutiK7 ne lâcheraient leurs places pour rien au monde…

Le sexe, c'est démocratique !

De plus en plus, de dotcom généralistes créent leur rubrique "charme", mais avec une problématique de taille. Ne pas sombrer dans le licencieux à outrance, tout en restant assez suggestifs afin d'augmenter leur trafic.
Chez Lycos, on a tout compris au sexe. La girafe une fois rachetée par le labrador, toute l'équipe s'est réunie pour chercher de quelle manière on pouvait conserver le trafic généré par feus Spraylove (le service charme) et Spraydate (le service rencontre). On a convenu qu'il fallait contenter la majorité des internautes de 15 à 49 ans. Pour Carina Strömkvist, responsable de la rubrique Love@Lycos http://spray.fr/spraylove , tout est dans le ton que l'on donne au contenu du site."Spraydate et Spraylove représentent aujourd'hui près de 200 000 membres", annonce Carina. "Il est clair qu'on doit contenter tout le monde et pas exclusivement la niche de fanatiques, pour qui érotisme équivaut à "cumshots on your nipples" ! Nous avons plusieurs garde-fous. D'abord, une équipe de modérateurs qui scrutent le moindre message un peu limite.
"Ensuite, on travaille le ton et la manière de traiter les questions. Je me souviens d'un sujet épineux sur la sodomie : beaucoup d'internautes semblaient préoccupés par cette pratique et nous faisaient parvenir leurs interrogations dans un langage parfois très cru… Nous avons pensé qu'il fallait leur répondre honnêtement, mais sans en faire trop. Le ton reste donc volontairement généraliste et l'on ne s'aventure pas dans des détails intimes un peu "gore" !
"Le problème, c'est qu'à vouloir modérer le plus possible, et faire les cybercopains, on risque de produire un discours un peu creux qui, loin de satisfaire tout le monde, ennuie la majorité. Mais c'est un piège dans lequel Love@Lycos n'est pas tombé.

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