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6 ans (1995) que les entreprises françaises ont découvert l’Internet
et l’Intranet, les réseaux maillés ont donné lieu aux fantasmes
les plus délirants, comme il est d’usage lorsque nos sociétés
sont confrontées à des choses nouvelles. Fantasmes de positivisme
tendant à montrer que les hommes pourraient être reliés virtuellement
jusqu’à masquer les réalités de la vie quotidienne ; ou élucubrations
négatives basées sur la prédiction de la disparition de la communication
réelle entre les hommes, remplacée par le dialogue entre machines.
Dans les deux cas, l’idéalisation comme la diabolisation ont caché
la réalité de l’importance de l’Internet et de l’Intranet comme
véhicule de communication et de commerce, au profit d’une vision
de cet outil comme une fin en soi (or, c’est certain, le média
ne remplace jamais le contenu). Les regarder ainsi nous permet
de dresser un bilan plus en nuances de l’intrusion de ces technologies
dans notre vie professionnelle quotidienne.
La
communication transversale…
ne
se décrète pas. On ne force pas une organisation humaine de façon
directive et descendante à partager des informations, à coopérer,
à travailler en équipe. Les années 90 n’ont pas seulement annoncé
l’ère du ‘tout communication’. Elles ont également donné naissance
à la coopétition, cette pratique qui oblige des personnes
d’objectifs différents (projets concurrents, services concurrents,
offres concurrentes, … à l’intérieur d’une même entreprise) à
travailler ensemble ou tout au moins à en donner l’impression.
Les Intranets sont donc souvent transformés en alibis de communication
(un espace collaboratif est créé et l’on croit que les employés,
les cadres, vont naturellement partager leurs ressources). Or,
l’expérience montre l’échec de ces partages d’information lorsqu’ils
dépendent exclusivement du bon vouloir des employés et notamment
lorsqu’ils sont propres à faire perdre du pouvoir à celui qui
en donne. Pour une entreprise de conseil par exemple, partager
des propositions ayant réussi est un but absolu. Pour le consultant,
cela peut être perçu dans certains cas comme une perte de pouvoir
qui le rend plus vulnérable car ce partage va probablement lui
générer de la concurrence. L’Intranet a permis techniquement de
partager des informations plus librement, mais ce n’est pas suffisant
pour répandre l’altruisme.
Le
partage de connaissances est en fait plus efficace lorsque le
« donneur » d’informations en est aussi le bénéficiaire
(c’est notamment ce que développe Seth Godin dans the Idea Virus ;
voir http://ygourven2.online.fr/webcom/ideavirus.pdf).
Le fait même de répandre de l’information (par exemple un rapport,
ou une information glanée sur le Net ou dans la presse) va valoriser
le « partageur » d’informations qui y trouvera autant
son compte que le « receveur ». C’est là le meilleur
cas de « knowledge management » qui existe ; le
knowledge management (KM) est un terme impropre d’ailleurs, car
on gère ou dirige malaisément le savoir. Au mieux on le couve,
on le canalise, on le valorise ou on l’exploite. Cette pratique
spontanée est paradoxalement assez répandue dans les entreprises.
Le Web (interne et externe) a clairement facilité/accéléré ce
phénomène et tout le monde y est gagnant. Mais il est rare que
cette information circule aussi bien dans le cadre de projets
de KM très structurés. Au contraire même, car l’information circule
librement à partir du moment où l’initiative personnelle s’installe.
La
communication transversale ne se décrète donc pas, elle s’impose
par la base. C’est là l’apport principal de l’introduction du
Web dans les entreprises. Naturellement la plupart des managers
traditionalistes sont réticents face à l’explosion de la communication
libre au sein de l’entreprise – par exemple – d’Intranets sauvages.
Seuls ceux qui comprennent le phénomène le favorisent pour mieux
en tirer les bénéfices, en valorisant les intrapreneurs qui sont
à l’origine de l’initiative au sein de l’entreprise.
Le
Web (Internet) a par ailleurs donné à toute une frange de la population
…
de
l’entreprise, la possibilité de s’imposer sur le terrain de la
communication. Or, les habituels défenseurs de l’image de l’entreprise
à l’extérieur (les services de la communication eux-mêmes) sont
parfois exclus des initiatives Web qui éclosent autour d’eux de
façon – souvent – anarchique même si elle est créative. Soit qu’ils
maîtrisent mal les principes de communication particuliers et
mouvants du média Web, soit qu’ils se sentent dépassés par le
dynamisme des initiatives individuelles dans tel ou tel département.
Il s’ensuit des batailles internes parfois féroces entre services
en vue d’assumer la responsabilité des contenus et des mises à
jour, d’autre part des négociations avec les services de communication
sur le sujet de l’aspect graphique du site Internet et Intranet.
C’est là, après les batailles internes en vue de l’appropriation
du projet Web, le deuxième écueil propre à faire échouer les initiatives
d’entreprise sur l’Internet, car le débat s’installe ainsi sur
le plan purement formel, et qui plus est, rarement sur des bases
solides de conception Web. Le Web est objet de pouvoir et donc
source de conflits, mieux vaut le savoir, et il faut travailler
pour que les points de vue viennent s’enrichir mutuellement et
non qu’ils s’affrontent de manière antagonique et stérile.
Tant
d’énergie est dépensée à l’intérieur des entreprises …
autour
de l’appropriation de nouveaux véhicules de communication que
l’essentiel en vient souvent à échapper à l’ensemble des protagonistes.
Tout d’abord que les projets Web sont obligatoirement des projets
à mener en équipe. Ensuite que les « chartes graphiques »
pour nécessaires qu’elles soient ne remplacent pas le contenu.
Le Web ayant en outre ceci de différent du papier (la fameuse
plaquette produit que personne ne lit) qu’il est interactif, c’est-à-dire
qu’il permet d’instaurer un dialogue entre le client, le
fournisseur ou le futur employé,… et l’entreprise, et que ce dialogue
peut être rapide, direct et efficace. L’interactivité ne réside
pas - malgré les préjugés tenaces - dans les animations flash
de la page d’accueil.
C’est
cette interactivité …
qui
nous amène à rejoindre les deux sujets de la communication vers
l’interne et vers l’externe. Car si tant d’énergie doit être dépensée
pour amener du contenu vers l’extérieur de l’entreprise, comment
justifier qu’il soit plus important que cette énergie soit utilisée
à des fins internes ? L’Intranet d’entreprise prend toute
sa dimension quand l’information mise en ligne pour des clients,
des fournisseurs, des partenaires, investisseurs, candidats,…
en constituent le fondement. Ainsi avons-nous décidé de baser
toutes nos informations produit chez France Télécom UA STI sur
des informations clients. Ce sont ces informations utiles au client
qui constituent l’essentiel du corpus de l’Intranet, lui-même
alimenté par le site Internet principal (viasolutions.com). L’Intranet
vient ensuite s’enrichir de données propres au personnel mais
il est avant tout un référentiel pour les documentations
clients et donc un passage obligé pour remplir notre mission principale
qui est de servir ces clients et qui implique de fournir à la
force de vente tous les éléments propres à atteindre cet objectif.
C'est ainsi une garantie de son utilisation et de son utilité.
De
même, sur le plan d’un groupe aussi important…
que
France Télécom l’Intranet est devenu un outil fondamental, surtout
comme dans le cas de l’Arianet, la cellule de veille du groupe,
il fournit des informations marché utiles aux managers et aux
chefs de produits. Là encore, c’est l’information externe (partagée
avec les fournisseurs de contenu que sont les principaux instituts
de marketing du monde de l’informatique et de l’Internet) qui
enrichit l’entreprise en injectant une information utile, propre
à l’action.
Les
deux cas précités tendent à montrer que la communication interne
est rendue plus percutante, plus utile lorsqu’elle est enrichie
d’informations venant de ou destinée à l’extérieur de l’entreprise.
si
l'Internet apporte cet élément de fraîcheur…
fondamental
à la communication interne en la rendant perméable à ce qui se
passe à l’extérieur de l’entreprise, il ne faudrait pas se cacher
la réalité de l’Internet dans les grandes entreprises française
à l’aube du troisième millénaire.
Il
est en effet regrettable de voir combien la grande majorité des
grandes entreprises françaises (nous mettrons ici volontairement
à part celles qui appartiennent au secteur de l’informatique et
de la télécommunication) ont abordé l’Internet par son côté le
plus sombre qu’est la sécurité. Trop souvent, l’accès à Internet
est restreint, voire confiné à quelques postes en libre service.
La navigation sur l’Internet dans beaucoup de nos grands groupes
s’apparente souvent à un parcours du combattant qui pose d’énormes
problèmes techniques au déploiement des services sur Internet
en entreprise. Lancer un service Web auprès des abonnés de Wanadoo
en France est finalement plus aisé que de travailler avec un public
de grandes entreprises. C’est ce que nous avons pu constater en
lançant le service de télécopie par Internet « Faxfacile.com »
qui a drainé rapidement un flux important d’Internautes (plus
de 30000 clients en 9 mois, et près de 400000 utilisateurs par
an en début de vie) car son accès au travers de Wanadoo est réellement
universel et ne pose pas de problèmes techniques préalables. Dans
le monde de l’entreprise, il faudra s’entourer de précautions
techniques préalables quant à la capacité du client mais aussi
des clients du client (dans le cadre d’un outil de collaboration
par exemple) à consulter librement et sans contrainte cet outil,
sans que son utilisation ne génère des coûts insensés en terme
de support client.
Enfin
et surtout, il faut noter l’indéniable abus d’utilisation de l’Internet…
à
des fins personnelles par beaucoup au sein des entreprises. Dans
une grande entreprise informatique en Grande Bretagne, dès 1996,
on notait que 50% de la bande passante dédiée à Internet était
utilisée à des fins personnelles (sites X, achats en ligne, recrutement,
sites grand-public non professionnels,…). Même constatation dans
un grand institut de recherche français l’an dernier. (même proportion).
L’avènement du multimédia et notamment du streaming audio (via
les radios en ligne qui sont très consommatrices de trafic) oblige
aujourd’hui certaines entreprises à limiter l’usage de tels outils.
On garde même en mémoire des cas de jurisprudence récents en Grande
Bretagne qui ont ouvert des débats sur la liberté d’expression
et ses limites. C’est là un frein indéniable pour tous ceux qui
cherchent à déployer dans le cadre professionnel les techniques
de retransmission de son et d’images.
Tout
ceci ne doit pas gâcher le formidable essor de l’Internet…
et
des Intranets dans le monde économique et dans une période aussi
brève. Véritable mine d’or pour les entreprises du monde réel,
il s’agit là d’un vecteur économique majeur de développement de
la pratique commerciale. Passée la parenthèse des pure plays
(appelés déjà ‘yesterday dot coms’ de l’autre côté de l’Atlantique
depuis près d’un an), les entreprises peuvent enfin envisager
le renouveau de leurs services au travers de ce nouveau médium.
Il ne reste plus qu’à garder en tête que les miracles en économie
n’existent pas, que la nouvelle économie n’est qu’une chimère
mais qu’une économie bien réelle peut tirer profit de ce nouveau
mode de communication direct, rapide et interactif non seulement
pour gérer la relation client mais aussi et surtout pour vendre.
Les entrepreneurs qui savent allier rigueur, commerce traditionnel
et interactivité (via le Web et les autres médias complémentaires)
sont les futurs gagnants du Web. Fnac.com en est un bonne démonstration,
avec près de 50% des ventes qui sont retirées au guichet des magasins.
Ils réussiront ainsi à rajeunir leurs produits ou services, développer
de nouveaux canaux de distribution et améliorer leur efficacité
commerciale.
Pour
ceux là, la synergie entre puissance communicative du Web, et
son intérêt commercial ne sera pas un vain mot. C’est ça la véritable
nouvelle économie.
Yann Gourvennec
http://fr.viasolutions.com
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