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perspectives offertes par le commerce électronique incitent l'ensemble
des acteurs économiques, particulièrement ceux travaillant en réseaux,
à s'intéresser à un développement de leur activité
sous l'angle Internet.
Le commerce électronique est-il un danger pour les réseaux de distribution
ou au contraire doit-il être considéré comme une méthode
de vente complémentaire?
Actuellement,
rares sont les contrats de distribution qui envisagent la question de l'Internet,
et ce même pour l'interdire.
Lorsque le contrat prohibe la vente à distance ou vente par correspondance,
on peut considérer que le commerce électronique est exclu implicitement.
En effet, le e-business doit être assimilé à une vente à
distance.
Une clause d'interdiction ne sera d'ailleurs pas restrictive de la concurrence
si la nature des produits la justifie (technicité, qualité...).ou
/et par l'absence de mise en valeur des produits, ou l'impossibilité de
fournir un conseil personnalisé au client potentiel. (article 85 §
1 du Traité de Rome)
Dans l'hypothèse majoritaire où les accords contractuels ne mentionnent
rien sur la question, on prévoit généralement la distribution
dans un point de vente déterminé, avec les conditions de présentation
des produits.
La question est de savoir si le promoteur peut interdire d'emblée la vente
en ligne : comme le souligne Maître Verbiest dans un article paru en avril
2000 sur Juriscom, le cas n'est pas théorique et s'est présenté
pour Séphora, contraint de limiter l'accès à son site marchand
aux résidents américains après avoir été sommé
par ses partenaires fournisseurs avec lesquels la société est liée
par des accords exclusifs.
La jurisprudence communautaire s'est également prononcée (affaires
Saint-Laurent et Givenchy du TPICE) contre l'interdiction a priori de certaines
formes de commercialisation.
En particulier, nombreux sont les contrats de distribution qui mettent à
la charge du distributeur une obligation de développement des ventes.
C'est dans cette optique que l'ordonnance du tribunal de commerce de Pontoise
en date du 15 avril 1999 avait été rendue dans une affaire Pierre
Fabre Dermo Cosmétiques c/ M.. A. B. : les juges avaient estimé
en effet que " Internet s'ajoute aux modalités traditionnelles...
" de commercialisation des produits.
En ce sens, on peut faire un parallèle avec la décision en référé
du TGI de Bordeaux du 12 mai 1999 dans une affaire Norwich Union France c/ Peytureau
.
L'ouverture d'un site vitrine (donc non marchand) sous un nom de domaine utilisant
la dénomination sociale de la compagnie employant l'auteur n'est à
l'origine d'aucun préjudice pour Norwich Union France car le site était
totalement consacré à la promotion des produits Norwich Union.
Cela dit, depuis lors, un arrêt d'appel (certes en référé)
a été rendu dans l'affaire Fabre infirmant la décision de
première instance et sa conception extensive.
Le fondement de l'arrêt repose sur les conditions générales
de vente, les prérogatives du promoteur du réseau et non les relations
contractuelles et les obligations du distributeur incriminé.
1 - L'enseigne
, la marque et le nom de domaine
Le droit
commun de la concession exclusive met à la charge du concédant une
obligation relative à la marque et à l'enseigne.
Il doit en effet mettre en oeuvre toutes les voies de droit dont il dispose pour
garantir au distributeur l'exclusivité de ses signes distinctifs dans le
secteur géographique qui lui a été consenti, sous peine d'engager
sa responsabilité contractuelle.
Ainsi, serait responsable celui qui n'a pas agi (en référé)
pour obtenir la suppression des panneaux de sa marque encore utilisés par
l'ancien distributeur (Cour de cassation, Chambre commerciale 4/2/1986).
En règle générale, le concédant doit recourir à
l'action en concurrence déloyale pour mettre fin à ce type d'agissements
et remplir son obligation de garantir une jouissance paisible à son cocontractant
distributeur.
Internet pose le problème du nom de domaine : en effet, on peut considérer
que le nom de domaine est en fait l'enseigne d'une boutique virtuelle.
En conséquence, on peut se demander si le site d'un distributeur indépendant
peut ou non inclure la marque du concédant.
Les juges du fond ont répondu négativement le 20 mars 2000 à
cette question dans l'affaire Sony Corporation, SA Sony France / Sarl Alifax.)
Cela reviendrait en effet à cannibaliser du réseau de distribution
du concédant.
2 - Le respect
de l'exclusivité territoriale.
L'obligation de ne pas empiéter sur le secteur géographique attribué
au distributeur est mise en danger par l'intégration de l'Internet, y compris
dans une optique de communication passive (site vitrine). Le site de commerce
électronique, est en effet accessible depuis n'importe quel point du globe,
donc depuis le territoire concédé aux divers distributeurs.
Comment assurer dans ce cas le respect des obligations liées au territoire
géographique ?
Pour chaque distributeur, le manquement à l'obligation de respecter "
l'intégrité " du territoire de son confrère, peut entraîner
un litige avec le concédant.
Pour ce dernier, sa responsabilité peut être engagée pour
n'avoir pas su préserver l'intégrité du territoire de vente
de chacun des membres de son réseau.
Certes, il existe des clauses spécifiques telles que la clause de "
clientèle réservée " qui permet au concédant
de fournir ses produits sur un territoire concédé, mais à
une catégorie particulière de clients, ou à ceux qui figurent
sur une liste préétablie et sur laquelle il a obtenu l'accord de
son cocontractant.
3 - Conclusion
Le développement
d'une politique de communication ciblée " web " du distributeur
suppose un audit juridique précis des critères de distribution sur
la nature du réseau et sur les contrats en cours afin de concevoir un site
portail dont les fonctionnalités seraient en rapport avec cet audit ou
la possibilité de laisser les distributeurs d'avoir leur propre site.
Le plus simple serait de prévoir la possibilité pour chaque distributeur
de présenter son offre en ligne par le biais d'un tel site portail et non
par le biais de sites propres à chaque distributeurs.
Dans ce cas, il faudrait créer un avenant aux contrats de distribution
et qui comprendrait :
- La détermination
du type de site des distributeurs et du concédant (vitrine à conseiller
dans un premier temps) avec échéancier pour le passage au commerce
électronique (le temps de développer un logiciel propriétaire
permettant à l'internaute de choisir en ligne et de modifier le produit
qui l'intéresse) ;
- La détermination
de la prise en charge par chaque distributeurs de la gestion et du traitement
des transactions émanant de leur territoire contractuel
- La charte
graphique minimum pour chaque "sous-site" permettant de mettre les produits
en valeur, de garantir l'image de marque du fabricant, permettant également
une égalité de traitement entre les distributeurs (photos, logos...)
;
- Une gestion
précise des aspects technico-juridiques (travail avec une agence de création
de site unique qui propose ensuite à chaque distributeur, ou une liberté
de choix de l'agence) incluant les notions de :
·
noms de domaine,
· métatags,
· mots clé vendus par les régies online,
· référencement et mention de la qualité du titulaire
du site,
· politique de liens.
L'échec
de la négociation avec un seul distributeur mettrait bien sur en péril
l'ensemble de l'opération et poserait de réels problèmes
au circuit de distribution concerné...
Murielle-Isabelle
CAHEN
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