n
peut être grand par la taille et dans l'impossibilité de faire valoir
ses atouts. Le réseau internet s'est chargé ces dernières
années de rappeler que rien n'est définitivement acquis et qu'il
faut toujours lutter pour préserver sa position.
C'est
ainsi que de grandes sociétés se sont vu soumises à des chantages
concernant le droit d'exploitation de leur nom ou raison sociale sur le net. Les
cas de cybersquatting se sont multipliés aux Etats-Unis ces dernières
années, au point que l'état fédéral américain
entame actuellement une réflexion sur la régulation de l'internet.
L'OMPI a été sollicité pour jouer un rôle de médiation
dans les litiges de nom de domaine et l'organisation uvre depuis le début
de l'année 2000.
En
France la dernière affaire à sensation concerne le célébrissime
moteur Altavista. N'ayant pas pris le soin de réserver leur nom de domaine
sous point fr, l'extension a été prise par un cabinet de consulting
français, obérant la stratégie d'implantation du site mondialement
connu. Sous la menace d'une procédure de référé, le
cybersquatter et le moteur ont finalement trouvé un terrain d'entente.
Ces cas très médiatisés cachent une réalité
plus sombre, faites de chantages et de renoncements. Chantage exercé par
des individus cherchant l'argent facile, renoncement par des sociétés
qui ne savent pas vers qui se tourner pour répondre aux cyberagressions.
Car les sociétés qui sont victimes de ces pratiques ne sont pas
toujours conseillées, les conseils eux-mêmes ne sachant pas quelles
procédures adopter pour obtenir la restitution de noms de domaine contrefacteurs.
Une
affaire a beaucoup fait dans ce domaine, contribuant à renforcer le mythe
de l'intervention impossible sur internet, l'affaire St Tropez. La ville bien
connue avait mandaté une société commerciale pour le dépôt
du nom " St Tropez " sur internet afin de développer un site
vantant les mérites du petit village. La société mandatée
fit les dépôts en son nom, trahissant le mandat, puis exploita le
nom de domaine ainsi réservé en avertissant les visiteurs du caractère
non officiel du site. Le juge saisi a constaté la contrefaçon, a
sanctionné le détournement et
. puis rien de plus ! Aucune
mesure de restitution sous astreinte n'ayant été demandée,
le nom de domaine a été rapidement cédé à une
société aux Etats-Unis, interdisant une restitution rapide du nom
au profit de la ville de St Tropez.
Les
commentaires ont été nombreux, parmi lesquels on retrouvait de nombreux
points de vue sur " l'incompréhension du juge face à l'internet
" ou encore " l'inadaptation du droit sur le monde virtuel ". Il
eut été plus judicieux de critiquer la stratégie mise en
place par les avocats de la ville de St Tropez, lesquels ont probablement tout
simplement oublié de demander la restitution du nom de domaine sous astreinte
Ce
procès raté à pour longtemps alimenté les chroniques
sur le thème de l'internet hors du temps et des lois de notre monde. Un
procès où les contrefacteurs sont condamnés mais où
la condamnation est dénué par avance de tout effet.
Depuis
l'affaire St Tropez, l'eau a coulé sous les ponts. Les affaires se sont
multipliées et les décisions ont inévitablement alimenté
les réflexions. Plus personne aujourd'hui ne conteste sérieusement
le droit des marques sur internet. Il ne reste plus que quelques journalistes
mal informés pour prétendre que deux click suffisent à vous
transformer en millionnaire, moyennant un petit chantage
Aujourd'hui
le paysage du cybersquatting est différent de ce qu'il était hier.
Les décisions existent et n'importe quel juriste pourra trouver une jurisprudence
pour appuyer sa demande en contrefaçon sur internet. Mais il reste cependant
un écueil à surmonter, l'exécution du jugement. Dès
lors que la condamnation ne fait pas de doute dans le dossier, il faut s'attacher
à rendre opérationnel l'exploitation du nom de domaine récupéré.
C'est un peu comme si l'on cherchait à rentrer dans son appartement après
qu'un squatter s'y soit installé. Il faut trouver les clefs, faire changer
les serrures, changer les abonnements, etc. Et la procédure n'est pas moins
fastidieuse sur internet.
Un nom de domaine appartient à un registrar qui en délègue
l'utilisation à un registrant. Ce dernier va utiliser le nom de domaine
pour composer une adresse url qui servira d'enseigne à un site sur internet.
Ainsi, le registrant disposant du nom toto.com pourra exploiter son site traitant
du célèbre parasite.
Dans
un cas de cybersquatting, il s'agit de changer le registrant par un autre, le
premier étant le pirate, le second le titulaire légal. Cette procédure
se conduit devant le registrar qui le premier a délégué l'utilisation
du nom incriminé.
Jusqu'en
1999, un seul organisme était habilité à délivrer
ces autorisation d'utilisation. Il s'agissait d'un monopole connu sous le nom
d'Internic. Ce monopole a éclaté au début 1999 et aujourd'hui
il existe près d'une centaine de Registrar. Chacun est autonome et propose
son propre protocole d'attribution et de réattribution de nom de domaine.
Le
Registrar ayant pris la suite de l'Internic, le NSI, a repris avec lui les procédures
déjà connues sous le nom de RNCA (Registrant Name Change Agreement).
Pour obtenir la réattribution d'un nom de domaine auprès de cet
organisme, il suffit de remplir un formulaire RNCA. Chacune des parties donne
ses coordonnées civiles et signe le formulaire. Le NSI demande que ce formulaire
soit contresigné par un " public notary ", ce qui correspond
en droit français à un officier ministériel (Huissier ou
Notaire). Il est possible de s'en passer en faisant appel au service d'un membre
de l'Ambassade des Etats-Unis qui certifiera l'acte. Il est enfin possible de
demander l'indulgence du NSI en faisant remplir au contrefacteur qui est le premier
registrant une attestation qui certifie que sa volonté est bien de transférer
le nom de domaine. L'ensemble de la procédure est traitée en une
dizaine de jours au NSI et la société piratée retrouve l'usage
de son nom sur internet.
Mais
la procédure du NSI ne vaut pas forcément pour tous les registrars.
La société Register.com imite quasi servilement le NSI en proposant
son formulaire de réattribution tandis que la société Namesecure
n'en propose aucun. Dans ce dernier cas, il faut s'armer de courage et interroger
directement par téléphone (pas de réponse fiable par courrier)
l'organisme pour connaître les modalité de transfert de nom de domaine.
Dans le cas du registrar Namesecure, il suffit d'envoyer un papier signé
par l'ancien et le nouveau registrant en demandant le transfert du nom de domaine
du premier vers le second. Le papier devant être contresigné par
un officier ministériel.
Devant la confusion de la procédure, on est tenté de rire. A l'heure
des sites internet, de l'interactivité, des bases de données, il
n'existe pas de protocole universel permettant de rapidement régler les
conflits de cybersquatting. Les enjeux financiers considérables qui pèsent
sur la Net économie peuvent être simplement mis en échec par
une désorganisation totale des sociétés chargées de
distribuer les noms de domaine.
Néanmoins
il ne faut pas confondre difficulté et impossibilité. Le droit des
marques et la contrefaçon existent sur le réseau et ces pratiques
font l'objet d'un examen attentif par les juges saisis.
Reste
que l'exécution d'un jugement en contrefaçon de nom de domaine est
un exercice complexe et qu'il est absolument nécessaire d'être rompu
à l'exercice pour assurer un succès total et définitif au
dossier.
Jean-Claude
Pantin
Juritel.com
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