'année 2001 devrait être celle de la distribution
en ligne dans l'industrie du disque. Le marché mondial
de ce type de diffusion devrait représenter 2,2 milliards
de dollars contre 1,2 en 2000. Pour comparaison, le volume
global du marché mondial de la musique est estimé
à 40 milliards de dollars par la Fédération
internationale de l'industrie phonographique (IFPI). Les
cinq grandes majors (Vivendi-Universal, Sony, BMG, EMI et
Warner) ont longtemps négligé la diffusion
en ligne mais l'apparition de sites comme Napster, Gnutella
ou d'autres les a forcé à enfin développer
leurs activités sur le Net. La bataille judiciaire
concernant les droits d'auteurs n'est qu'un épisode
de la restructuration de l'industrie phonographique. En
effet, le gros risque pour les producteurs est de perdre
totalement le contrôle de la diffusion et de se retrouver
à la merci des diffuseurs. BMG a fait le premier
pas en s'alliant à Napster pour développer
un système de diffusion payante. Cette initiative
vient d'être contrée par l'annonce d'un accord
entre Vivendi-Universal et Sony. Ces regroupements ne sont
probablement que le prélude à un vaste remaniement
du secteur.
Napster, allié à BMG, a offert aux majors
du secteur de l'édition musicale un règlement
à l'amiable du différend qui les oppose. Ceux-ci
reprochent au site de téléchargement gratuit
de violer les droits d'auteurs et ont intenté une
action en justice via la Recording industry association
of America. Après une injonction de fermeture du
site par un tribunal de San Francisco, Napster a obtenu
un sursis grâce à un recours en appel. Celui-ci
suspend l'injonction. Pour régler ce différend
judiciaire, Napster propose de verser 1 milliard de dollars
par an à l'industrie phonographique. Ainsi, les 5
majors se partageraient 150 millions de dollars par an en
fonction des disques ou morceaux téléchargés,
et les indépendants 50 millions. Les fonds nécessaires
à indemniser l'industrie du disque proviendraient
des recettes générées par un abonnement.
Dès juillet 2001, Napster compte proposer à
ses membres une offre payante permettant le téléchargement
des fichiers. Cette solution permettrait au site américain
de réaliser 300 millions de dollars dès la
première année, couvrant ainsi largement l'indemnisation
à verser à l'industrie du disque. Le logiciel
Napster a été téléchargé
par 64 millions de personnes dans le monde, et une étude
de Webnoize et Harris montre qu'environ 70% des membres
seraient prêts à payer un abonnement.
Alors que des sites comme MP3.com ont accepté de
signer des accords légaux pour encadrer les échanges,
Napster a toujours refusé et mène une stratégie
de confrontation. Celle-ci pourrait lui être fatale.
Si le site de téléchargement gratuit est reconnu
coupable de violation des droits d'auteurs, les sommes qu'il
aurait à sortir pour financer les indemnisations
le condamneraient à la fermeture.
C'est bien ce que recherchent Vivendi-Universal et Sony
qui ont refusé l'accord. Sous le prétexte
justifié de ne pas récompenser des "
pirates ", les deux leaders mondiaux (plus de 50% de
la production mondiale) ont formé une joint-venture
baptisée Duet. Elle regroupera les catalogues des
deux leaders mondiaux pour les diffuser mais aussi pour
les licencier aux autres sites de musique sur Internet.
Le plus de cette offre concerne le support, baptisé
Blue Matter actuellement testé sur Farmclub.com.
Ce type de fichier permet d'ajouter des photos, la biographie
ou encore une discographie de l'artiste.
Le but non avoué mais bien compréhensible
de cet accord est aussi, et surtout, de détenir les
moyens de diffusion de la musique sur Internet. Il faut
savoir que la croissance attendue de ce secteur est de 35%
alors que le marché mondial de la musique a crû
de 1% entre 2000 et 2001. Le potentiel de croissance est
donc très intéressant pour les acteurs majeurs
du secteur. Par ailleurs, Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi-Universal,
est persuadé qu'à terme les moyens de diffusion
vont converger et que les films ou la musique seront diffusés
sur Internet via les mobiles, les décodeurs ou les
ordinateurs. Cet accord avec Sony rentre donc dans ce cadre
plus global.
Il subsiste un problème pour les deux groupes qui
n'a pas été évoqué lors de la
présentation de Duet : comment empêcher les
utilisateurs de copier les fichiers pour les diffuser gratuitement
par la suite ? Pour cela, il faudrait sécuriser tous
les fichiers qui sont achetés par les internautes.
Pour le moment, aucune technologie de cryptage n'a vraiment
prouvé sa fiabilité. Autre problème
qui devrait toutefois être réglé assez
rapidement, le nom de domaine Duet.com est déjà
déposé et il est possible que le détenteur
de la marque la monnaye au prix fort.
Cet accord entre Vivendi-Universal et Sony semble donc préfigurer
une série d'accord entre les acteurs majeurs du secteur.
BMG vient d'annoncer que les négociations avec EMI
pour fusionner leurs activités sont bien avancées.
Le nouveau groupe représenterait 25% du marché
mondial et aurait à sa disposition une clientèle
de plus de 70 millions de personnes via Napster. Par ailleurs,
Warner développe sa propre plate-forme avec AOL.
Mais ces offres ne pèsent pas beaucoup si Vivendi-Universal
et Sony, la moitié de la production mondiale, n'ouvrent
pas son catalogue. De plus, les experts du secteur sont
convaincus que le consommateur se lasserait face à
plusieurs offres concurrentes. La course à la taille
reste donc le principal objectif des majors ce qui laisse
penser que le mouvement de concentration est loin d'être
fini.
Richelieu
Finance : Fabrice
LEFEVRE SORY
Chargé du développement stratégique
Tél.
: 01.42.89.00.00.
www.richelieufinance.fr
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