a t-il de la place pour tout le monde sur Internet ? Sans aucun doute. Mais y a t-il du trafic pour tous les sites ? On peut en douter. A qualités de contenu et de présentation égales, qu'est-ce qui fait vraiment la différence sur le web ?
Alors que le niveau général progresse
sur le web, les sites à vocation commerciale ou même promotionnelle (n'est-ce
pas la même chose ?) entrent dans ce qu'on pourrait appeler la bataille du trafic.
La règle du jeu ? Pouvoir justifier d'un nombre de visiteurs suffisant pour légitimer
le budget de fonctionnement du site ou finir par enfin attirer annonceurs et partenaires
d'affaires. La quête du Graal aurait donc un sens...
Ainsi, c'est bien de mettre en ligne un site robuste, de soigner son référencement
en faisant appel à des professionnels de la promotion en ligne, de développer
une stratégie marketing cohérente et même de se payer des bandeaux sur Francité
et PageFrance, mais cela suffit-il
vraiment à l'heure actuelle ?
Comment faire la différence sur le web ?
On l'a démontré ces deux dernières semaines, proposer un site riche en contenu,
facile à naviguer et irréprochable sur le plan graphique, c'est aujourd'hui une
condition sine qua non pour exister. Trop de concurrence entre sites (ce n'est
encore qu'un début !) et des internautes francophones de plus en plus exigeants
rendent la mission des nouveaux venus sur le marché particulièrement délicate
quand bien même ils sont irréprochables.
La raison majeure pour laquelle les internautes font montre d'une telle exigence
et sont généralement si difficiles à convaincre (et à fidéliser), c'est qu'ils
manquent d'une chose essentielle; et cette chose, c'est le temps. Quand on y réfléchit
un peu, c'est probablement l'intérêt majeur d'un tel réseau et l'élément qu'on
apprécie le plus sur Internet... On peut certes accéder à absolument tout ce que
l'on peut chercher, mais en plus cet accès est immédiat, sans délai.
Or le manque de temps (ou la peur d'en perdre), ça limite sérieusement la
témérité. On tient à trouver à coup sûr ce que l'on cherche sur le web. Qu'il
s'agisse d'information, d'humour, de documents scientifiques ou bien de forums
de discussion, on veut tout, et on veut ça tout de suite.
Lorsqu'on a su intègrer cette notion que le gourou du marketing online Régis
McKenna a baptisé l'ère "Real Time" (par ailleurs le titre d'un de ses ouvrages),
alors me semble t-il, est-on fin prèt à développer un site dont le succès sera
durable. Les gens apprécieront un beau site, adhéreront à un contenu pertinent
mais sauront réellement apprécier deux avantages rares:
- Un site qui répond chaque fois à leurs attentes véritables (ce qu'ils viennent
chercher)
- Un site qui leur permet de gagner du temps (la raison pour laquelle ils utilisent
le net)
Mon web à moi
Lorsque je surfe en quête d'informations fraîches, pourquoi vais-je donc systématiquement
chez Yahoo France plutôt que chez
Libé, Le
Monde, Le Parisien,
DNA ou ActualInfo
? Tous ces sites sont ma foi excellents sur le plan de leur contenu... Sans doute
parce qu'avec tous ces liens bien classés par catégories et cette mise à jour
en temps réel, Yahoo "parle" mieux web que les autres.
Lorsque je souhaite effectuer une recherche précise sur le web, comment expliquer
que j'aille systématiquement sur Altavista
plutôt que chez Excite, Nomade
ou bien Euréka ? Facile, j'ai appris
à aimer Altavista dès mes premiers balbutiements en ligne... Une
habitude ? Non plutôt le fruit d'un expérience qui murmure: "ce site
m'a toujours donné satisfaction, pourquoi en changer ?"
Ces sites m'ont convaincu sur tous les plans, je compte désormais parmi leurs
fidèles.. Leur fameuse "communauté" d'utilisateurs. Et pas besoin de signet, je
connais tous leurs URLs par coeur ! La preuve, c'est que j'accède à Altavista
en saisissant machinalement altavista.digital.com alors que la société nord-américaine
a récemment racheté l'adresse www.altavista.com... En fait, je ne "bookmarke"
que les sites dont je n'ai aucune chance de me souvenir !
On peut appeler cela des préférences, mais la vraie explication, c'est "l'expérience
du surfeur" que chacun acquiert dans les quelques trimestres suivant ses grands
débuts en ligne. Chacun se constitue une base de données d'une douzaine de sites
de références qui répondent précisément aux différents besoins qu'il rencontre
au quotidien.
La loyauté existe t-elle sur Internet ?
Mais ma fidélité, comme celle de nombre d'entre nous, a des limites. Lorsque
j'avais besoin de conseils pratiques en développement HTML ou en Javascript, j'avais
pris l'habitude de me ruer chez les spécialistes de Webmonkeys.
Mais depuis l'apparition de leur horrible "frame" en bas de l'écran, j'ai remarqué
que mes séjours sur le site devenaient plus occasionnels, lettre d'info ou pas.
La navigation m'a ainsi déçu et sans bouder ce site de toute première qualité,
j'ai eu l'occasion d'aller voir ailleurs. Et ça, c'est pas très
bon sur le web car aller voir ailleurs, c'est forcément trouver autre chose...
Sans généraliser cette attitude, on peut estimer qu'une expérience négative
sur un site peut ruiner en une session tous les efforts consentis par les administrateurs
du site pendant plusieurs mois... Illustration aussi que le contenu, ça
n'est pas tout. Exigence extrême, manque de temps chronique; dur, dur, le monde
virtuel.
Evidemment, cette sélection de sites que chaque internaute effectue plus ou
moins consciemment évolue avec le temps et avec le médium lui-même. Il n'en demeure
pas moins vrai que tant qu'un site parviendra à répondre précisément et à coup
sûr aux envies et besoins de ses utilisateurs, ceux-ci n'auront ni la motivation,
ni le temps de l'abandonner.
L'expérience du surfeur
Les nouvelles habitudes sont dures à prendre sur le web comme ailleurs. Il
faudrait à chacun le loisir de redécouvrir le monde en ligne tous les six mois
en repartant à zéro. Se bâtir une nouvelle "expérience de surfeur" ! Mais c'est
peu probable, on manque tous de temps...
En ce sens, les nouveaux acteurs du web, les sites qui apparaissent tous les
jours, ont une mission très difficile. Ils doivent développer un concept résolument
novateur et être meilleurs que leurs concurrents existant sur tous les plans pour
espérer convaincre les internautes chevronnés.
S'ils ne proposent ni plus ni moins que leurs prédécesseurs sur le web, cela
ne suffira assurément pas pour attirer la population en ligne. S'ils insistent
pourtant, cela coûtera tellement cher en promotion et en développement marketing
que le modèle économique établi dans le budget prévisionnel d'exploitation du
site volera en éclat.
La vraie opportunité pour ces sites "sans vécu en ligne", c'est de s'adresser
aux nouveaux utilisateurs, ceux qui n'ont pas encore forgé leur "expérience de
surfeur"... Et moi qui croyait au départ qu'un contenu de qualité m'assurerait
gloire et popularité.
L'expérience du surfeur, c'est une lecture individuelle que l'on fait du web,
l'histoire de l'Internet que l'on écrit par et pour soi-même. Et quand on lit
dans une récente étude parue aux Etats-Unis (reprise par le très sérieux
webzine Iconocast) que 23% du temps
qu'on passe en ligne est consacré au seul téléchargement des pages, on finit par
enrager vraiment !
Philippe Monteiro da Rocha
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