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14 juillet dernier, le chancelier allemand Gerhard Schröder a fini par
faire adopter sa réforme fiscale historique par le Bundesrat, la
deuxième Chambre du Parlement allemand. Cette réforme est
historique dans le sens où elle prévoit 250 milliards de baisse
d'impôts d'ici à 2005 pour les particuliers et les entreprises.
Les principales
mesures fiscales approuvées qu'il convient de relever sont de trois
ordres :
- Abrogation en
2002 de l'impôt sur les plus-values de cessions de participations (alors
qu'il est actuellement de 40% à 50%).
- Baisse de
l'impôt sur les sociétés, qui s'inscrira à 25%
dès 2001, alors qu'il est actuellement à 30% (pour les
bénéfices distribués) ou 40% (pour les
bénéfices mis en réserve).
- Diminution du
taux marginal plafond de l'impôt sur les revenus des particuliers de 51%
à 42% en 2005 (après des paliers successifs en 2001 et en 2003).
La tranche la plus basse sera quant à elle abaissée de 22,9%
à 15% en 2005.
Ces mesures
sont prises dans un contexte où l'Allemagne bénéficie
d'une bonne reprise économique. En effet, depuis la
réunification, l'économie outre-Rhin tournait au ralenti.
Aujourd'hui, la tendance semble s'inverser : le gouvernement allemand a
récemment revu à la hausse ses prévisions de croissance
pour cette année (2,75% contre 2,5%), et constate que le chômage
s'oriente légèrement à la baisse.
Cette
réforme va en particulier donner le coup d'envoi à une
accélération des fusions-acquisitions mais surtout à une
vague de ventes de participations non stratégiques. Rappelons que
l'économie allemande a pour caractéristique de s'être
développée depuis la seconde guerre mondiale sur un tissu
très dense de participations croisées entre les secteurs
financier et industriel, qui a eu pour mérite de préserver les
grands groupes d'OPA hostiles de la part de groupes étrangers (le
britannique Vodaphone a cependant rompu cette tradition en réussissant
à prendre le contrôle de Mannesmann au printemps dernier). Ainsi,
la Deutsche Bank, première banque privée allemande, est
présente dans le capital de nombreuses sociétés telles que
DaimlerChrysler (construction automobile), Linde (gaz liquides) ou Allianz
(assurance), elle-même propriétaire d'une part du capital de la
banque. De même, les plus gros groupes industriels allemands, comme Man,
IKB, Heidelberger, Metallgesellschaft, BASF ou Bayer, sont
possédés en partie (de l'ordre de 5% à 20% !) par des
banques et assureurs allemands. Ce qui peut entraîner des conflits
d'intérêt quand les banques se retrouvent à la fois
propriétaires et créancières de ces groupes. Le meilleur
exemple en date est incontestablement celui du numéro deux allemand du
bâtiment, Philipp Holzmann, possédé à 15% par la
Deutsche Bank, qui a frôlé la faillite l'an dernier pour avoir
vécu plusieurs années à crédit sous l'il
bienveillant de ses actionnaires
La disposition
concernant les plus-values de cessions de participations était
très attendue par le patronat : elle va permettre de moderniser et
restructurer en profondeur l'économie et permettre aux entreprises
allemandes de concrétiser leur volonté de se recentrer sur leur
métier de base et de simplifier leur portefeuille d'actifs. La cession
de ces actifs va constituer d'énormes réserves
financières, non imposées, susceptibles d'être
réinvesties pour accélérer la croissance externe ou pour
le rachat de ses propres actions en vue d'augmenter la liquidité et
améliorer mécaniquement le résultat net par action de son
titre. Par exemple, Allianz estime la valeur de son portefeuille à plus
de 40 milliards d'euros ! Les principaux bénéficiaires de cette
mesure sont les sociétés qui disposent d'importants portefeuilles
de participations, à savoir les sociétés
financières telles que Allianz, Munich Re et Deutsche Bank. Le secteur
bancaire allemand est actuellement en pleine effervescence avec la tentative de
rapprochement entre la Dresdner Bank et la CommerzBank.
La mesure en
faveur de l'impôt des sociétés devrait avoir un impact
positif sur les résultats 2001 et donc sur les valorisations des
sociétés allemandes. A titre indicatif, le consensus de place
prévoit une croissance additionnelle moyenne des bénéfices
par action allemands de 7% à 9% en 2001, ce qui porterait le DAX30,
toutes chose égales par ailleurs, de 7200 points actuellement à
près de 7800 points d'ici 2001.
Quant à
la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, elle
devrait contribuer à accroître la consommation des ménages
allemands, voyant leur revenu disponible augmenter de façon durable. Les
secteurs liés aux biens de consommation, à l'automobile, aux
loisirs ou à la distribution, devraient en tirer profit. Les valeurs de
ces secteurs les plus intéressantes sont Preussag, Adidas, Metro,
VolksWagen et DaimlerChrysler car elles ont sous-performé de
façon significative le marché allemand sur les derniers mois. Les
autres sociétés européennes exposées au
marché allemand devraient également bénéficier de
ces mesures.
Les
dispositions adoptées vont certes avoir d'importantes
répercussions sur l'économie domestique allemande, mais aussi sur
les marchés européens en général : les
valorisations des sociétés cotées allemandes vont
être clairement favorisées grâce à la croissance
anticipée de leurs résultats. On devrait donc assister à
une redistribution des actifs à l'intérieur de la zone euro en
faveur de l'Allemagne et au détriment des autres places
européennes, en particulier la France
La France risque
effectivement d'être pénalisée car elle a d'une part
surperformé l'indice européen au cours des années
précédentes (+60% sur 5 ans), et d'autre part des études
récentes indiquent que les fonds anglo-saxons sont
surpondérés sur la France. Un rééquilibrage en
faveur du marché actions allemand, dynamisé par ces
réformes fiscales, concrétisé par une prise de
bénéfices sur le marché français, est donc
prévisible.
Ces
différentes mesures auront enfin pour impact positif de rapporter
annuellement un point supplémentaire à la croissance du PIB
allemand. Dans les objectifs d'harmonisation fiscale européenne,
espérons que de telles disparités en faveur de l'Allemagne
pousseront la France, son principal partenaire, à prendre le chemin de
réformes profondes de son dispositif fiscal. Nous pouvons
également imaginer que, dans son temps de présidence de l'Union
Européenne, la France puisse initier une modernisation fiscale favorable
aux économies des pays membres.
François
Chaulet / Richelieu Finance
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Tel : 01 42 89 00 00
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